À cause des couleurs chaudes
Petite journée, la beauté du printemps à Ginza, tout le monde calmement dans les rues, quelques courses aux grands magasins avant le déjeuner. Et lecture dans le métro… Froid dans le dos tout de même, à cause des couleurs chaudes.
« Bleu, vert, jaune, orange et rouge. En optique, par longueurs d’onde croissantes. En radioprotection, par risque croissant d’exposition des extrémités – mains, pieds, chevilles, avant-bras – aux rayonnements ionisants. Les sources radioactives sont réglementées. Les zones de travail aussi, dès lors qu’un risque d’irradiation ou de contamination existe. Trois pales d’une hélice ou d’un trèfle à trois feuilles sur un fond de couleur. Signe noir sur fond blanc, zone non réglementée. Sur fond bleu, zone surveillée. Sur fond jaune, vous entrez en zone contrôlée. Les couleurs, on finit par les avoir en tête, le spectre entier, de l’ultraviolet à l’infrarouge, avec une attention particulière pour les couleurs chaudes, la nuit surtout, comme une barre de fer chauffée à blanc qui passe par toutes les nuances du rouge – pour ce qui en est de notre perception à l’œil nu, limitée. Donc jusque dans nos rêves, sans qu’on y prenne garde, dès les premiers jours du stage d’habilitation […]
[…] sur fond rouge, rendu inaccessible, c’est la tête de mort des bidons de TNT qu’on devrait y voir, mais le rêve en décide autrement, et si la chaleur monte et en même temps la sensation de froid, c’est qu’on est en nage sous la couverture tirée on ne sait pas pourquoi jusque par-dessus la tête […] » (Élisabeth Filhol, La centrale, p. 49-50)
Faites un exercice : réfléchissez à toutes les conditions de travail détestables que la production de notre énergie nucléaire nécessite et répondez-vous franchement à la question de savoir si vous aimeriez accepter l’un de ces emplois, n’importe lequel.1
Notes ________________- Je n’exclus pas la possibilité que certains lecteurs puissent faire partie de ces travailleurs et j’insiste bien sur les mots en italiques ; non pas remettre en question qu’ils aient été dans l’obligation de prendre l’un de ces emplois, ça je le sais bien, mais s’ils auraient aimé accepter cela, comme on pourrait aimer accepter une semaine de vacances en hôtel quatre étoiles… [↩]
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Publié dans le JLR