Pour cause de dépassement de dose
Chronique des législatives, suite. Ce matin, encore un courrier UMP. Cette fois, c’est la suppléante de Mariani. Les autres partis ont aussi écrit aux Français de l’étranger, un message chacun tout au plus. Mais le parti sortant mérite la palme du harcèlement épistolaire. Depuis une semaine, c’est à peu près un mail par jour… Le résultat est toujours le même : la poubelle.1
Après le cours de phonétique, qui se passe bien, consacré en partie aux règles de lecture des grands nombres, mal de tête fort désagréable. Au point de sécher une réunion en début d’après-midi. Est-ce que je somatise ?
Ou sont-ce ces lectures qui m’affectent ? Chaque notule, chaque remarque de Ryoko m’est comme une écharde, déjà là, à mon insu, sur laquelle elle appuie.
« Ce que l’on est en train de vivre, c’est une catastrophe qui, ici et maintenant, est toujours en train de se produire. » (Ryoko Sekiguchi, Ce n’est pas un hasard, « Le 26 mars » [2011], p.106)
« Un climat de tension à fleur de peau règne sur Tokyo, me dit-on. Je le sens jusqu’ici. Cette atmosphère irrespirable est en train de devenir notre milieu naturel. » (Id., p.107)
« Les étrangers ne comprennent pas pourquoi les Japonais ne critiquent pas davantage Tepco, pourquoi si peu de voix s’élèvent contre l’énergie nucléaire. Je comprends qu’ils ne comprennent pas. Moi non plus, je ne comprends pas. » (Id., « Le 29 mars », p. 113)
« Désormais, moi aussi, quand je mangerai du poisson dans un restaurant de sushis, je ne pourrai pas m’empêcher de penser à sa provenance. Avant, si l’on s’enquérait de la provenance du poisson, c’était pour rêver. Pour rêver aux régions du nord, du sud, à leur nature et à leurs rivages. » (Id., « Le 4 avril », p. 125)
Lundi, au supermarché, par exemple, il y avait des tomates de cinq origines différentes, dont quatre étaient des régions où des produits comestibles sont régulièrement interdits pour cause de dépassement de dose. Quand il y a des contrôles… La cinquième barquette, que j’ai prise, venait du sud, à un prix très supérieur aux autres. Un peu plus d’un euro la tomate de 150 grammes…
C’est simple. En temps comme en argent, tout coûte deux fois plus cher qu’avant.
Je me décide à lire La centrale, d’Élisabeth Filhol, acheté il y a plusieurs mois mais toujours remis au lendemain. Paru en 2010 avec un statut fictionnel déjà remarqué ; ce livre devient littérairement ambigu, et comme radioactif… après Fukushima.
Notes ________________« DATR. Directement affecté aux travaux sous rayonnement. Avec un plafond annuel et un quota d’irradiation qui est le même pour tous, simplement certains en matière d’exposition sont plus chanceux que d’autres, et ceux-là traversent l’année sans épuiser leur quota et font la jonction avec l’année suivante, tandis que d’autres sont dans le rouge dès le mois de mai, et il faut encore tenir juillet, août et septembre qui sont des mois chauds et sous haute tension, parce qu’au fil des chantiers la fatigue s’accumule et le risque augmente, par manque d’efficacité ou de vigilance, de recevoir la dose de trop, celle qui va vous mettre hors jeu jusqu’à la saison prochaine, les quelques millisieverts de capital qu’il vous reste, les voir fondre comme neige au soleil, ça devient une obsession, on ne pense qu’à ça […] » (Élisabeth Filhol, La centrale, Paris : P.O.L., 2010, réédition folio 5305, p. 17)
« Chair à neutrons. Viande à rem. » (Id., ibid.)
- Note de 23 heures : ai voté, en ligne, Verts, comme prévu, de longue date. [↩]
Tags : Filhol Élisabeth, Sekiguchi Ryoko
Publié dans le JLR