Promesses de camelots des urnes

samedi 5 mai 2012, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Donc, étant arrêtée, la centrale nucléaire de Tomari 3, sur l’île de Hokkaido, symbolise et réalise l’arrêt complet du nucléaire au Japon. Mais cet arrêt de la production, par ailleurs prévu pour être temporaire, ne signifie pas, loin de là, la fin du nucléaire au Japon. Des milliers de personnes vont travailler jour et nuit, encore et encore, au péril de leur vie et de la nôtre, pour maintenir la sécurité dans la totalité des centrales japonaises, et ce pendant des dizaines années. D’autres milliers de personnes, jour et nuit, encore et encore, vont s’efforcer de retraiter toutes sortes de matières irradiées, solides, liquides et gazeuses, et ce aussi pendant des dizaines années. Et tous les matériels nécessaires à ces activités, et tous les salaires nécessaires à ces maintenances, pendant ces dizaines d’années que les centrales ne produiront plus d’électricité facturable à des clients, constitueront peu à peu la partie jusqu’alors cachée du coût du nucléaire. Et l’on verra bientôt, d’ici quelques années, que cette partie deviendra de plus en plus lourde, puis exorbitante, qu’elle freinera, à la façon d’un boulet qui grossirait au pied du bagnard, l’économie générale d’un pays qui, triste ironie, voulait s’en faire un moyen d’économiser et de damer le pion énergétique à ces concurrents. Crime des politiques à courte vue qui condamnent leurs propres petits-enfants ; arrogance des scientifiques qui maîtrisent des équations mais négligent psychologie, sismologie et météo ; bêtise des populations qui se laissent abuser par des promesses de camelots des urnes.

Autre ironie de l’histoire, le nom de Tomari est l’homonyme d’un verbe japonais qui signifie s’arrêter, tomaru, dont tomari est l’une des formes. Ce qui donne au symbole un aspect emblématique et médiatique que ne manqueront pas d’utiliser, à juste raison, les militants anti-nucléaires.
Avec ce verbe, un jeu de mots beaucoup plus agréable avait déjà touché la sphère francophone : dans les années 1920, un jeune ingénieur en mission au Japon avait écrit un drôle de roman sur le bateau de retour, L’honorable partie de campagne, dont je recommande la lecture, et pour lequel ce Roger Poidatz s’était forgé un pseudonyme : Thomas Raucat – qui se lit en japonais « tomarô-ka ? », question polissonne adressée à une jeune femme à l’abord d’un hôtel, pour lui proposer de s’y arrêter un moment…

Fukushima, l’île du bonheur, Tomari, l’arrêt : la langue japonaise est décidément pleine de surprises.

Tags :

Publié dans le JLR

Les commentaires sont fermés.