Quelques centaines d’euros par mois
C’est la troisième fois que je n’entends pas du tout le réveil à huit heures et que je me réveille comme une fleur à dix heures et demie. Retour de mission… Décalage horaire… Faut dire aussi qu’on s’est couché à trois heures du matin. Va falloir que ça change car ce sont les ultimes jours de mon année sabbatique. Dès le 2 avril (l’année fiscale et universitaire japonaise s’achevant le 1er avril), je redeviens prof de fac…
Déjeuner avec l’ami E., tout à fait relevé de son accident de moto de l’an dernier. Quelques sushis sans soucis.
Des courses pour des fruits (en évitant ceux des préfectures contaminées), plusieurs heures de travail à la maison, puis… Dîner au Saint-Martin avec David et Marc. Agneau à toutes les sauces, comme le monde de l’édition.
Selon la radio, les enquêteurs se demanderaient comment l’auteur de la tuerie de Toulouse avait pu s’acheter des armes, alors qu’il ne gagnait que quelques centaines d’euros par mois…
Mais est-ce que quelqu’un (?) s’interroge sur les raisons pour lesquelles ce jeune homme, à l’instar de centaines de milliers d’autres jeunes hommes et jeunes femmes, ne gagnait que quelques centaines d’euros par mois, voire moins ?
Est-ce que le fait de ne gagner que quelques centaines d’euros par mois, voire moins, quand le moindre loyer d’appartement familial est plus près du millier, n’entrerait pas – un peu – dans la grande équation humaine qui fait d’un jeune homme a priori banal un criminel exceptionnel ?
Cette précarisation salariale de centaines de milliers de jeunes gens, qu’ils soient issus de l’immigration ou non, n’a-t-elle vraiment rien à voir avec l’évolution de la criminalité dans les cités, les transports, les grandes villes, etc. ? Puis avec le tour de vis sécuritaire qui en découle ?
Et le mépris patronal et politique de longue date que cette précarisation présuppose n’est-il pas indigne ? Voire criminel ?
Ce qui ne veut pas dire que ces centaines de milliers de jeunes gens vont devenir d’horribles criminels ; ils sont seulement précaires et malheureux ; ceux qui se tueront seront plus nombreux que ceux qui tueront leur prochain ; et du point de vue social, cela ne vaut guère mieux.
Hélas, il sera plus facile de tirer populistement parti de cette trajectoire tragique que de répondre à ces questions.
Publié dans le JLR