Te pousser dans une crevasse…
« [C]’était du temps où nous faisions de l’alpinisme… dans le Dauphiné… on avait escaladé la barre des Écrins… tu te rappelles ?
H. 2 : Oui. Bien sûr.
H. 1 : Nous étions cinq : nous deux, deux copains et un guide. On était en train de redescendre… Et tout à coup, tu t’es arrêté. Tu as stoppé toute la cordée. Et tu as dit, sur un ton… : « Si on s’arrêtait un instant pour regarder ? Ça en vaut tout de même la peine… »
H. 2 : J’ai dit ça ? J’ai osé ?
H. 1 : Oui? Et tout le monde a été obligé de s’arrêter… Nous étions là, à attendre… piétinant et piaffant… pendant que tu « contemplais »…
H. 2 : Devant vous ? Il fallait que j’aie perdu la tête…
H. 1 : Mais non. Tu nous forçais à nous tenir devant ça, en arrêt, que nous le voulions ou non… Alors je n’ai pas pu résister. j’ai dit : « Allons, dépêchons, nous n’avons pas de temps à perdre… Tu pourras trouver en bas, chez la papetière, de jolies cartes postales… »
H. 2 : Ah oui. Je m’en souviens… J’ai eu envie de te tuer.
H. 1 : Et moi aussi. Et tous les autres, s’ils avaient pu parler, ils auraient avoué qu’ils avaient envie de te pousser dans une crevasse… » (Nathalie Sarraute, Pour un oui ou pour un non, folio théâtre n° 60, p. 43-44.)
C’est qu’il y a de la violence, chez Sarraute ! Et les étudiants l’ont très bien perçue, comme tout le reste d’ailleurs. Cinq petites séances (le cours était d’une demi-session) sur la partie immergée d’un iceberg pour en mesurer tout le volume, ressentir tout le froid qui s’est installé entre les deux amis, et me voilà à la veille d’un nouveau départ pour la France. De la violence, il y en aura encore dans le cours de la rentrée (d’avril), déjà programmé : On n’est pas là pour disparaître, d’Olivia Rosenthal.1 Ce sera le premier texte du XXIe siècle que je vais m’efforcer de faire lire et comprendre à l’Institut franco-japonais de Tokyo. En outre, Célia Houdart, de passage au Japon, viendra le 21 avril nous parler de la lecture de ce livre et de son propre travail.
Pour l’heure, donc, je suis, comme T., dans les valises. Une seule chacun, en l’occurrence, mais assez grosse, et un sac à dos. Y faire entrer des affaires pour cinq semaines, avec assez de diversité pour des rendez-vous officiels (Mazarine, BM de Troyes et de Rouen, séminaires Paris 3, colloque EHESS, etc.), du rangement poussiéreux chez mon défunt père, de la randonnée dans le Vercors enneigé…
Écrire si l’on souhaite nous voir, on a encore le choix… il y a encore des dates disponibles.
- C’est également par Olivia Rosenthal que ce Journal littéréticulaire avait commencé en 2003… [↩]
Tags : Houdart Célia, Rosenthal Olivia, Sarraute Nathalie
Publié dans le JLR
la violence féminine – vraie
Moi qui reviens juste d’une toute petite semaine de montagne à faire des raquettes dans la vallée de Chamonix, je trouve que oui, la montagne est belle et que je me suis arrêté plus d’une fois pour l’admirer…! Et le soir j’en ai profité pour lire « Secours en montagne – Chronique d’un été » de Anne Sauvy qui dit plein de choses intéressantes. Pas grand chose à voir avec la littérature cependant! Ma petite note de retour de vacances…!