Détails sur mon père
Vers 22 heures, j’étais en train de graver des épisodes de la série Bones quand le téléphone a sonné. Ce n’était pas T. mais mon cousin, qui appelait de France. Entendant sa voix, je savais déjà pourquoi il m’appelait.
Après une carrière passée debout devant de hautes tables sur lesquelles il baladait sans arrêt de gros ciseaux de couture, c’est par les jambes que mon père a commencé à avoir des problèmes, il y a une vingtaine d’années.
Quand mon père a eu besoin de trois dialyses hebdomadaires, le professeur qui s’occupait de lui à Quincy m’avait dit qu’il était en sursis, six mois ou cinq ans, sans doute pas plus, quels que soient les progrès dans le domaine. Cela s’appelle, le mot est clair, la dialyse terminale.
Depuis 2007, deux séries m’ont beaucoup aidé à me familiariser avec l’univers hospitalier et avec la mort, que je refusais jusqu’alors de considérer sérieusement. Il s’agit de Grey’s Anatomy et de Bones. Je leur dois beaucoup de connaissances, d’accoutumance.
Une heure après le coup de téléphone, j’avais réservé un vol sur ANA pour après-demain, une voiture à Roissy pour une semaine, l’appartement d’amis parisiens où je suis comme en famille, sauf que cette fois il n’y aura que moi.
L’idée de loger chez mon père, dans son capharnaüm, suggérée par l’une de mes sœurs, ne m’avait même pas traversé l’esprit une seconde. Tout comme celle de prendre sa voiture. J’ai toujours tellement voulu m’éloigner de lui…
Publié dans le JLR
Navré de lire sur la mort de votre père. Ça m’a fait penser à la mort du mien, il y a pas si longtemps, on a un âge pareil. Trop souvent on arrive trop tard à la mort des parents, ou on les voit de loin, c’est en tout cas une expérience terrible. Pour un portrait de ce genre d’expérience de la mort, je vous recommenderais « La Carte et le territoire » –mais je sais que vous n’appréciez pas Houellebecq et en plus c’est vrai que peut être il vaut mieux ne pas revenir sur les cimetières. Mais enfin, la littérature a une dimension funéraire, et ils nous hantent, les cimetières, quoi qu’on y fasse, c’est pourquoi.