Tourbillon dans lequel je surnage encore
Mercredi 27 avril. Grâce à l’année sabbatique, je puis être à Tokyo les mercredis, ce qui ne m’arrivait plus depuis dix ans. Christian Prigent à l’Institut franco-japonais, propos et lectures. Avec quelques surprises autour, comme les performances théâtrale de Vanda Benes (sur des textes de Prigent) et scénique du groupe japonais TOLTA (en japonais).
Pour faire suite à la lecture de Cerisy en juillet dernier, je ne mets en ligne ici que la lecture de Christian Prigent.
Dont je ne cite que ceci, à l’oreille, sans savoir si les alinéas et les pluriels respectent le texte d’origine :
« […]
Ou du pain de merde
de même farine
en miches
ou couronnes
ou bretzels
ou pognes, ficelles
ou baguettes mais toujours en merde
[…] »
Vendredi 29. Mariage princier, je ne me force pas pour ne pas en regarder la diffusion planétaire. Avais posté la semaine dernière un tweet ainsi tourné, cum grano salis, ou sucris : « Mariage princier ? Oui, mais qu’est Kate ? »
Samedi 30. Pas de cours à l’Institut pour cause de Golden Week. Du coup, je parlerai de l’origine bretzelienne du nom de Perec la semaine prochaine. Nous resterons à Tokyo pour faire des économies (un aller-retour Tokyo-Nagoya = 20.000 yens). D’ailleurs, tous les transports sont bondés et le centre de la ville se vide, offrant sa délicieuse géographie aux calmes promeneurs qui lui sont fidèles.
Mardi 3 mai. Un tweet envoyé : « Buter un type recherché depuis 10 ans et le balancer en mer, c’est pas de la justice. Au mieux, c’est de l’exorcisme pour sous-développés… »
Après les unes triomphales même des journaux français, certains commencent à redescendre sur terre et à entrevoir le peu de légitimité de cette justice, sauf en termes électoralistes.
Jeudi 5. Visionnons le film de Robert Rodriguez, Machete (2010). Du pur défoulement divertissant ? Euh… Plutôt une charge bien corrosive contre la politique américaine en matière d’immigration méridionale.
Échange de courriers avec un responsable de la bibliothèque du Vatican. J’ai enfin trouvé un interlocuteur et pu obtenir des explications quant aux Mazarinades de leur fonds. Tout reste à faire… Et y aller n’est pas si compliqué que je le croyais.
Vendredi 6. Visite avec T. de l’exposition sur la forêt au musée Teien. Un thème bien maîtrisé malgré le petit nombre d’œuvres. Beau parc, tout près de l’autoroute. Heureuse la photo silencieuse.
Mardi 10 mai. In memoriam 1981, où je votais pour la première fois à une présidentielle.
Un tweet envoyé : #Woerth, #Wauquiez. Les hommes politiques français dont le nom commence par un W semblent être woués aux gémonies http://tinyurl.com/3hb3mhh
Mercredi 11. Journée de travail sur les mazarinades, encore une. Plein de petites notes ramassées dans le XIXe et le XXe siècles et à introduire dans les notices en ligne. Dans la partie pas encore accessible.
Comme j’ai un peu traîné à répondre au collègue Vinteix sur le billet précédent, je me prends son courrier dans les dents. Je comprends qu’on puisse ne pas aimer Anne Portugal, et qu’on lui préfère Georges Bataille, mais je ne vois pas la nécessité d’en faire un bouc émissaire. Je crois aussi que la compréhension du terme « light » a été absorbée par une obsession qui en a bloqué l’humour. Par ailleurs, je me vois catégorisé en creux, ce qui n’est jamais très agréable. Voici donc le courrier reçu :
Au gré d’échanges, certes parfois un peu vifs (mais là, je dois dire que ce « light » m’a vraiment ulcéré, et personnellement je ne conçois pas de discours autre que passionné – ce qui fait cruellement défaut à notre époque, dominée par le « politiquement correct » qui tend à bannir tout excès, tout éperdu, étouffer tout feu intérieur justement, même si ma vigueur est bien peu de chose comparée à celle de beaucoup d’autres, ainsi Annie Le Brun), devenus plus espacés, les choses se sont malgré tout peu à peu décantées, laissant franchement apparaître des différences majeures entre nous, de vrais fossés, voire des incompatibilités – mais ce dernier terme, qui me fait penser à un texte de Bataille, n’est pas pour me déplaire complètement… on se choisit aussi avec et contre.
Ainsi, au final, il apparaît clairement qu’au-delà même du discours universitaire, point d’achoppement majeur et révélateur, notre différence essentielle par rapport à la littérature se ramène au fait que pour moi, il n’y a pas d’un côté la vie et de l’autre la pensée ou l’art.
Point de vue dominant des universitaires, prônant peu ou prou la seule approche rationnelle, trop souvent anatomistes de la littérature devenue « fleur coupée » (à ce sujet la poésie light d’A. Portugal serait un parfait specimen pour laboratoire universitaire), d’où la liquidation de toute vie sensible (comme s’il pouvait y avoir la moindre pensée sans affect ? la moindre idée sans corps ?! comme si à ce sujet des Spinoza, Sade, Nietzsche, tout le surréalisme, Bataille, Foucault, Deleuze, Stiegler, et j’en passe, avaient parlé pour rien), le banissement dans leurs discours spécialisés (cf ta réaction à propos de « feu vital » !) de mots (et questions) aussi essentiels et vitaux que désir, passion, infini, feu, rêve, inconnu, tragique, néant, négatif, éperdu, subversion, révolte, liberté, imaginaire, excès, horizon, inquiétude, énigme, étrangeté, etc.
Le drame, c’est que, au-delà de la seule littérature, cette façon de séparer les choses fait dans le fond (au-delà d’études techniciennes qui n’intéressent que les spécialistes) le triomphe de l’insignifiance – et je me demande un peu ce que tu « adores » chez Annie Le Brun alors même qu’elle ne dit pas autre chose, et de la manière la plus passionnée et violente qui soit ! ne craignant pas de qualifier cette amputation de la littérature, mais au-delà de tout l’homme, de la vie sensible et de la pensée, de criminelle… parlant ainsi, entre mille ex., de « cette criminelle légèreté de croire que les mots vivent indépendamment des choses et que les êtres vivent indépendamment des mots ».
Heureusement qu’il y a encore des gens pour « oser » croire, penser et dire que non, la poésie, la littérature, comme l’art ou la pensée en général, ce n’est pas « l’art de ne pas y toucher » ou « un dispositif virtuel », mais, sans confondre art et réalité, exactement le contraire ! mais personnellement j’ai toujours trouvé plus de charme à Annie qu’à Anne…
C’est évidemment un abîme majeur…
Bien à toi malgré tout
(et je continue parfois à jeter un oeil à ton blog)
V PS : je précise par rapport à l’université – car la critique serait évidemment aisée et on me l’a déjà faite – que ce n’est pas parce qu’on fait partie (sans appartenir) d’un milieu, pour la seule et unique raison qu’il faut bien vivre (bouffer), qu’on est obligé de tenir le même discours dominant, de se plier aux règles ou conventions plus ou moins tacites qui encadrent ou formatent ces discours académiques… encore une question de rôles, d’identités… et j’aime assez ce mot de Bataille se disant « l’ennemi du dedans » par rapport au surréalisme… on peut en tout cas être à la fois dedans et dehors…
Un ulcère à cause d’un produit « light », quel paradoxe !
Je suis d’accord avec plein de choses, sauf que j’ai été mis de l’autre côté, avec les vilains (alors que j’aime moi aussi Bataille et le surréalisme, et Annie Le Brun, etc., même si je ne l’écris pas toutes les dix lignes).
Que faire ? Ruminer. Puis, passée la première surprise, voici ce que j’ai répondu :
Salut,
Et merci d’animer un peu ce blog proche du coma, comme son auteur, au moins du point de vue communicationnel.
Mais ton message ne va pas arranger les choses.Personnellement, je te trouve plutôt sympathique et je t’avoue que cela me gêne de voir quelqu’un partir comme cela en vrille tout seul en se trompant de combat.
Ce que je constate dans la succession de tes messages pourrait se résumer à une parole très poétique des djeunz d’aujourd’hui (ou déjà d’hier) : il se la pète !Et voici pourquoi : tes opinions, points de vue et développements sont toujours assénés à grand renfort de valeurs éprouvées du passé, le tiercé de tête étant Bataille, Nietzsche et Le Brun que tu mets à toutes les sauces. Quel besoin ? Quelle nécessité dans ta relation à l’interlocuteur ? Sinon d’en imposer.
Sans doute le commerce permanent avec leurs textes, dont je te félicite, t’a-t-il donné l’impression d’être des leurs et qu’alors ton adversaire du moment, moi, à l’occasion, serait nécessairement dans l’opposition, dans un no-man’s land de la pensée, ce qui n’est pas le cas, oserais-je dire d’une petite voix modeste qui voit déjà arriver ton talon…
Il faudrait que tu admettes qu’il y a des lecteurs des mêmes auteurs que toi qui en sont venus à penser différemment de toi. Et que ces maîtres que tu tutoies ne te le rendraient peut-être pas.On atteint le comble aujourd’hui avec les deux catégories que tu produis : 1. ceux pour qui la vie, la pensée et l’art sont une même chose merveilleuse, sublime, forcément, et 2. ceux qui séparent, dichotomisent et par conséquent ne produisent qu’un inutile travail tacheronesque de coupage de cheveux en quatre. Et bien sûr, tu te vois « clairement » dans la catégorie 1, ce qui ne me laisse le choix que de la catégorie 2, j’en suis encore tout déprimé.
Or je n’ai pas actuellement de temps à perdre avec ce genre de simplification des choses ni de tiercé d’auteurs déjà mondialement connus à mettre en avant. En parlant d’Anne Portugal, parce qu’elle nous a fait l’honneur de venir au Japon alors que la plupart des conférenciers se pissent dessus à l’idée d’aller dans un pays où les centrales nucléaires flanchent les unes après les autres, je ne faisais que rendre hommage à un auteur que j’ai lu et que j’apprécie, en soulignant l’actualité et une certaine vérité de son propos. Ce que je faisais plus régulièrement par le passé et que je vais sans doute complétement cesser de faire pour m’éviter des attaques imméritées comme la tienne.
Plus généralement, je lis, j’écoute, je vis dans la littérature, la philosophie, la société, l’amour, etc., et tout ne forme qu’un énorme tourbillon dans lequel je surnage encore et d’où, accessoirement, je parviens à produire quelques articles, études, dans lesquels j’essaie de rendre compte à la fois d’impressions et d’analyses qui, je l’espère, ne cadavérisent pas trop les auteurs ou les œuvres en question. Et je n’essaie pas systématiquement de m’opposer à mes collègues en me donnant le beau rôle.
Sans parler de tous les auteurs que j’ai cités, étudiés, avec qui j’ai parfois débattu dans ce Journal Littéréticulaire depuis 2003, et qui sont plutôt des contemporains, et qui ne me donnent pas l’impression que tout se serait arrêté à Bataille et au surréalisme et avec lesquels je ne pense pas avoir commis le crime de séparer l’art de la vie, les mots et les sens. Raison pour lesquelles je crois que tu me tires dessus à tort puisque je ne suis pas « clairement » ta cible.
Change de lunettes, s’il te plaît !Finalement, je trouve l’attaque tellement surprenante et injuste, que je pense que je vais la publier avec cette réponse.
À ne plus te lire, merci.
Ah, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu un échange de courrier un peu vif à la suite d’un billet du JLR ! Ça nous ramènerait presque dans les années 2004-2006… En ce temps-là, ça m’amusait beaucoup.
Et pas que moi, d’ailleurs.
Aujourd’hui moins. L’âge, sans doute.
Tags : Bataille Georges, Perec Georges, Portugal Anne, Prigent Christian, Rodriguez Robert
Publié dans le JLR
je regrette fortement cette manière de faire à laquelle tu t’adonnes, apparemment avec jubilation (?), qui consiste à mettre en ligne (sans même demander à l’autre) un e-mail reçu = par définition, comme tout courrier personnel, privé ; de rendre ainsi public un échange qui s’est poursuivi en privé…
Surtout ! après mon courrier suivant où je m’expliquais très précisément sur l’usage de la citation (très loin de la parade égotiste ou pédante), mon soi-disant « ego » et la recherche universitaire, mon respect de l’interlocuteur dans les échanges, mes attaques qui visaient bien la poésie light et non Berlol, mes goûts littéraires qui sont très très loin de s’arrêter à Bataille ou au surréalisme, la nécessité néanmoins de relectures (à moins de se la péter au point d’oser dire, comme Sollers ou Onfray, qu’on a déjà fait le tour de Nietzsche, Sade ou Freud), etc.
MAIL AUQUEL TU AS TOI-MEME REPONDU QUE TU ETAIS GLOBALEMENT D’ACCORD AVEC MOI, je cite : » J’aurais pu écrire presque entièrement ton dernier message, y suis d’accord globalement. ! »
car au final il s’agit bien là d’un dialogue TRONQUE.
mais il faut croire que cette mise en ligne aura défoulé ou bien soulagé ton propre ego…
Face à ce genre de manoeuvres ou pirouettes que je trouve presque indécentes (plutôt que de répondre sur le fond de la question – car qu’en est-il des commentaires de Berlol sur cette poésie light ? mystère… rien n’ayant été dit, à part une mise en ligne), je préfère donc en rester définitivement là.
Oui, moi aussi j’ai regretté « fortement » le premier courrier reçu… et qui rompait avec les commentaires postés sur le blog tout en continuant la même discussion, simplement parce que je n’avais pas répondu « en ligne ».
Or j’étais occupé. Et dans les interstices de mes occupations, comme toi des tiennes (je ne fais pas de différence), je me demandais quoi et comment répondre, et s’il fallait continuer la discussion sur ce sujet piégé.
Car je n’ai pas de réponse sur la « poésie light » et je crois qu’il n’y a pas à en apporter. Tu as pris au mot, passionnément, peut-être, quelque chose qui est un « concept à jouer », si je puis dire, de la part d’Anne Portugal. Je ne voudrais pas parler à sa place, mais c’est ce qui me semble. Alors à moins que tu ne te sentes concerné par les propos sur ceux « qui en font des tonnes », je ne vois pas de raisons de prendre la mouche.
Pour ta réponse, notamment sur l’usage de la citation, je confirme que je suis bien d’accord avec toi et que j’aurais bien pu écrire cela. Tu peux la poster en commentaire si tu le souhaites, c’est fait pour ça.
Et puis si tu en as le temps, j’aimerais bien que tu m’expliques les deux catégories ci-dessus : « Ainsi, au final, il apparaît clairement qu’au-delà même du discours universitaire, point d’achoppement majeur et révélateur, notre [je souligne] différence essentielle par rapport à la littérature se ramène au fait que pour moi [je souligne], il n’y a pas d’un côté la vie et de l’autre la pensée ou l’art. »
Et sur comment je pourrais, à te lire, ne pas me sentir mis dans l’autre catégorie. Simple rhétorique.
Enfin, pour ce qui est de la jubilation, il ne faut pas déformer mon propos (ou alors il faut que tu apprennes à lire) :
« […] ça faisait longtemps […] », « En ce temps-là, ça m’amusait beaucoup. […] Aujourd’hui moins. »
Comme je n’ai plus trop l’humeur à commenter ici, simplement pour conclure quant à ce nouveau produit de la « poésie light », au moins, après avoir parlé de « dérisoire », ce que tu en dis là (« un concept à jouer ») confirmerait que ce n’est vraiment pas grand chose – et en matière de “concept” (mot mis à toutes les sauces post-publicitaires), c’est vraiment mince (bis repetita, pardon, mais ce que j’en citais et disais était tiré de ce que tu as proposé à entendre… et qui était tout de même dit avec un grand sérieux, et en parlant de poésie en général). Pour le reste, tu penses bien que ce n’est évidemment pas ici et maintenant que je vais te parler de mes goûts en poésie, et te faire un déballage de citations…
Sur ton interrogation finale – d’où tu tires tout seul une division improbable en deux catégories, les choses sont plus complexes – encore désolé de ne plus perdre mon temps, mais comme tu as l’air d’avoir oublié, ce n’était pas la 1ere fois que ce genre de clivages apparaissait dans les commentaires de ton propre blog (tu me pardonneras de ne me rappeler ni de ton billet prétexte, ni de la période, mais je me souviens précisément de remarques qui ne t’allaient pas, suite auxquelles tu me reprochais précisément de mêler la vie et la littérature / je n’ai aucune mémoire du quand – quand bien même concernant ma propre existence – mais j’ai une assez bonne mémoire des propos, dits ou écrits)…
et en l’occurrence cette lighterie poétique en est une illustration flagrante !
quant au pourquoi de ma distance par rapport à la majorité des études universitaires sur la littérature, il me semble que je m’en suis déjà un peu expliqué auprès de toi, aussi bien ici que dans les mails…évidemment, il serait aisé de développer en citant mille exemples (ne serait-ce pour commencer que tout le vocabulaire banni, dont je t’ai déjà parlé, et certaines questions aussi, qu’elles soient par exemple politiques ou érotiques)…
mais bon, ça ira comme ça (ici). Tu te disais un peu désappointé de n’avoir lu qu’une quinzaine ou je ne sais plus de livres par an… mais moi aussi, depuis l’usage du net, je lis beaucoup moins (situation d’ailleurs mondialisée), et si j’arrivais à ton chiffre, je serais totalement déprimé… donc j’en reste là ici.
oups, lapsus : « par an » / « l’année dernière »
étymologiquement « citer » est « mettre en mouvement », « exciter, provoquer »
sans m’en exclure complètement puisque de fait j’en fais partie (professionnellement) et publie aussi dans le cadre universitaire, pour préciser ce qui m’éloigne en même temps de ces recherches universitaires (au niveau des textes publiés, j’entends – et c’est bien de cela, que je parlais, et de mes goûts – je n’en faisais pas une question de personnes), distance grandissante avec le temps…
bien souvent, trop souvent (comme des normes formatant tous ces discours, malgré des différences, minimes – tant le ton, les précautions d’usage, le développement suivent la plupart du temps un même moule de conventions tacitement admises) :
– le bannissement de tout un tas de mots, déjà énumérés (mais la liste était loin d’être exhaustive), dès qu’on « étudie » un texte, une oeuvre, un auteur…
– le bannissement du « je », remplacé par cet improbable « nous » académique, inculqué au lycée – on se demande bien qui c’est d’ailleurs ? alors qu’on écrit seul – celui qui écrit étant totalement en retrait, quasi invisible, ne se mouillant pas ou à peine… mais encadrant son discours de tout un tas de formules, précautions, circonvolutions, évitant le ton affirmatif, et de fait tout « feu », tout élan qui serait considéré comme trop voyant ou tapageur, tout enthousiasme, tout ou presque ce qui a trait à la vie sensible (pourtant inséparable de toute lecture)… bref ne prenant pas trop de risques, se dévoilant le moins possible… protégé, derrière un paravent assujetti à l’institution, véritable corset de servitude volontaire… (ça va bien quand on fait sa thèse – et encore – mais ensuite…)
– la crainte de prendre parti, peur ou réserve, évitant les critiques trop fortes, les passions, la colère, l’indignation comme l’éperdu… ce qui éloigne aussi de fait tout un tas de question (politiques ou érotiques entre autres)
– et SURTOUT SURTOUT, écart immense (le plus important pour moi), le fait que ces recherches sont avant tout des études (pas toujours inintéressantes dans le fond, certes), mais TRES rarement des textes écrits dans le sens d’un véritable travail d’écriture / alors que la critique est aussi ou peut aussi (je ne parle évidemment pas de la majorité des journalistes critiques actuels !), et à mon sens « doit » ou devrait être un travail d’écriture, un texte littéraire en soi, et ce depuis Baudelaire au moins… c’est seulement ainsi qu’elle m’intéresse vraiment, dans le sens où celui qui écrit « sur » crée aussi, s’exprime aussi lui-même dans son rapport à l’écrivain ou l’oeuvre étudié, dévoile à travers cela une part de lui-même et fait oeuvre (critique) – ce qui est encore une manière de ne pas séparer…et en la matière, sans faire étalage (fastidieux) d’une liste qui pourrait être immense, (juste) une référence majeure (pour moi / même si d’aucuns la considéreraient peut-être comme ringarde) serait, entre mille autres, le livre de J.Gracq sur A.Breton…
Là encore, 100% d’accord avec toi. J’aurais pu aussi écrire cela ; je pense même l’avoir déjà fait plus d’une fois 😉
Pour ce qui concerne le je/nous, universitaire ou non, je me suis déjà bien exprimé…
Universitaire : il suffit de cliquer en haut au centre sur « Le langage des rêves chez A. Volodine » pour constater que je dis « je » et que j’y prétends « écrire » (et il en va de même dans chacun de mes articles, tant pis pour moi).
Enfin, pour Gracq, j’ai eu l’outrecuidance de faire un mémoire de maîtrise en rapprochant Sarraute de Gracq sur la notion élargie de tropisme, en un temps où il ne fallait pas mélanger les soit disant « classiques » (ou en l’occurrence « héritiers » du surréalisme comme Gracq) et « Nouveau Roman »… Ah, c’était le bon temps…
« encore, 100% d’accord avec toi » – et pourtant tu me reprochais bien de citer des auteurs (en les réduisant à un hypothétique « tiercé », qui n’engage que tes paris, et en mettant sur le compte de l’ego ce fait d’oser citer Bataille ou A.Le Brun, alors même que je croyais qu’on parlait de littérature… / et que par ailleurs j’en cite plein d’autres, « archi-connus » et quand bien même ou « archi-inconnus »)…
mais bon, au-delà du fond (manqué) de la discussion qui, au départ, engageait la poésie aujourd’hui… (ce qui m’a rappelé qq belles pages décapantes dans « Du trop de réalité ») au final, ces reproches sur le fait de citer resteront (en tout cas pour moi) pour le moins étonnants (litote) dans le cadre d’un blog qui se veut (ou se voulait) nouveau « salon littéraire »…
mais si c’était juste pour s’amuser (« En ce temps-là, ça m’amusait beaucoup. »), ce n’était en effet peut-être pas si vital…
de quoi pour le coup avoir la nostalgie de certains « salons » ou « soirées », « discussions », d’un passé bien révolu… où l’on ne craignait ni la passion, ni la dispute, ni même certains excès, et encore moins, s’agissant de littérature ou création, de citer des auteurs, fussent-ils « archi-connus »… (et d’ailleurs le sont-ils réellement ? il y a pléthore de gens qui parlent de Sade, Marx, Hegel, Nietzsche, etc. – par ex., mais ex. assez typiques justement – et qui n’en ont souvent lu que qq pages, voire moins… mais c’est peut-être suffisant pour « en faire le tour » tant ils sont mondialement connus…)
au passage (et pour en finir), je relisais ces jours-ci Novalis… quelle « valeur éprouvée du passé » ! me diras-tu (encore que ce soit loin d’être sûr ! et faudrait-il d’abord prendre « la peine », ou plutôt la joie, de le lire… or je n’ai pas l’impression qu’il soit si lu que son nom est connu)… et tout en le lisant je me disais qu’il avait bien plus de choses (capitales) à nous dire aujourd’hui que la « poésie light » et qu’un très grand nombre de poètes actuels…
Décidément, nous n’arrivons pas bien à communiquer, et le spectacle que nous offrons aux lecteurs est entre l’évidence trollique et le ridicule picrocholin.
Quand tu reprends, je cite, « « encore, 100% d’accord avec toi » – et pourtant tu me reprochais bien de citer des auteurs », je ne vois pas où est le problème. D’une part, je suis d’accord avec tes propos (sur la littérature, en particulier, la nécessité de lire, l’invalidité de certains discours universitaires, etc.), d’autre part, je ne suis pas d’accord avec la méthode qui consiste, souvent dans ton cas, à affirmer quelque chose à grand renfort de noms d’auteurs réputés sans les citer. Ce name dropping vient, selon moi, d’un besoin d’asseoir ton propos sur des valeurs sûres pour qu’il ne soit pas contestable (puisqu’Untel l’a dit, c’est que c’est vrai !), ce qui renvoie possiblement (je ne suis pas psychanalyste) à une incertitude, une hésitation, une crainte de la contradiction, et ceci plutôt qu’à une tendance à la prétention ou à la cuistrerie, ce qui serait plus désagréable.
De mon côté, comme tu peux le remarquer par exemple dans ce JLR en ligne depuis 7 ans (sept années !), je n’invoque presque jamais d’auteurs sans les citer. Le recours à un auteur se fait d’ailleurs principalement pour moi dans le cadre de la citation. D’une manière générale, j’évite de recourir aux valeurs déjà éprouvées, que je considère comme des portes déjà ouvertes, voire déjà refermées. Je recherche. Je développe mon goût par l’expérience. Ce qui veut dire que je cherche de l’émotion littéraire surtout dans des auteurs nouveaux, ou nouveaux pour moi au moment où j’en parle, prenant alors le risque d’en dire ce que j’en pense à chaud, sans même me référer à ce que d’autres en ont déjà dit. Je tombe bien ou je tombe mal, j’ai raison ou tort, ce qui importe, et ce qui m’importe dans le cadre de ce journal (j’opère différemment dans mon travail universitaire), c’est la conjonction d’une émotion littéraire, d’une présence d’esprit et d’une expression en ligne.
Il n’est donc pas nécessaire que tu continues à m’asséner les noms des grands auteurs dont personne ne doute, et que personne ne te conteste. Il vaudrait mieux que tu ouvres un blog dans lequel tu pourrais en parler tout à loisir, les citer, et donner ta version du sens de leur texte, y compris dans l’actualité de ce qui serait alors ton écriture (tout ce que tu fais ici n’en étant pas, car tu ne fais que récriminer, lancer en l’air, d’ailleurs personne ne te répond, à part moi, qui y suis en quelque sorte obligé, ce dont tout le monde me plaint…).
Ces derniers temps, comme on l’a pu constater, je lis Volodine et Sevestre. Si tu as quelque chose à dire sur ces auteurs, tu es le bienvenu. Mais on discute de citations, de contenus, de style, et non de notions générales.
Quant à ce qui est de prendre parti, je pense l’avoir assez fait et le faire encore assez quand j’en ai l’occasion. D’abord politiquement, dans de nombreux billets, et encore l’année dernière au sujet de CampusFrance, ou cette année au sujet de Fukushima. Ensuite et surtout, littérairement, par les auteurs que je choisis et dont la lecture et la citation a fondé même la matière de ce journal en ligne.
La « poésie light », pour y revenir, est une forme de recherche et d’ironie qui désigne en creux une grande partie de la poésie comme une chose lourde, pesante, ampoulée, prétentieuse, celle de ceux qui en font des tonnes, ou des caisses, pour se faire classer poètes (et que, de facto, tu sembles défendre en attaquant la poésie « light », et surtout sans en voir l’humour qui devrait t’amener à plus de circonspection). Et il y en a encore beaucoup, de ces lourdingues. Je rattacherai cela, sans (avoir besoin de) savoir si Anne Portugal serait d’accord, au superbe et rude essai d’Henri Meschonnic (auteur que j’ai souvent « cité » et que je peux donc ici « nommer ») intitulé Célébration de la poésie, auquel je te renvoie et qui vaut bien deux barils d’Annie Le Brun (cum grano salis, please).
Je crois que le poète dont j’avais parlé le plus récemment, parce qu’il était passé à Tokyo, est Serge Pey. Je t’envoie donc, amicalement, une de ses tomates !
– « évidence trollique », tiens donc ? quant au flirt avec l’analyse psychanalytique, je te laisse à tes rêveries… mais j’apprends grâce à toi que penser avec des « valeurs sûres », comme tu dis (ce qui est très loin de n’être que le cas en ce qui me concerne – la réduction est facile) n’est qu’une façon de se rassurer… / je te rassure, je suis moi aussi dans le seul questionnement, n’ayant pas de réponses, « ni dieu ni maître » d’ailleurs (comme tu aurais l’air de le croire naïvement), encore moins de « vérités »…
– « des valeurs sûres », etc. que je ne cite pas ? – si elles sont si « sûres », tellement connues, le renvoi est implicite et donc évident, non ?… si en plus, je te bombardais, à chaque nom, de citations !
mais ça, tu me l’avais déjà dit, « hors sujet », etc. car il est préférable de ne pas faire de « ponts », de ne pas élargir, ce qui ouvre en effet la discussion…
– évidemment que je n’ai pas l’outrecuidance de considérer mes « commentaires » (comme son nom l’indique) jetés sur un blog comme de l’écriture ! truisme. Et je te rassure encore, je ne me suis jamais pris à rêver une seconde d’un hypothétique futur biographe en ce qui me concerne…
– « personne ne te répond »… et alors ? je m’adressais à toi, et je n’ai pas remarqué qu’on te répondait beaucoup sur le fond de tes allusions littéraires et encore moins qu' »on discutait de citations » (?!)… j’aimerais lire ces discussions sur ces citations… quand bien même elles sont le plus souvent lancées à la fin de ton billet, après la relation des faits et gestes quotidiens, sans plus de commentaires…
Bonne continuation.
pour en finir complètement, en me parlant de « crainte de la contradiction », je relève simplement une fois encore que ce serait plutôt toi qui ne la supportes guère, dès lors qu’elle est un peu développée…
Salut.
je dois être un « cas » pour toi, puisqu’après avoir épinglé mon ego et ma « prétention », à présent c’est la dénégation de ladite prétention, voire cuistrerie, et la mise en avant d’autres symptômes (« hésitation, incertitude… ») – il faut bien trouver quelque chose…comme un arbre qui cache la forêt.
Allez, je ne t’embêterai plus avec mes « récriminations » et « lancements en l’air ». Bonnes discussions sur les citations.
Le voilà donc ce « tourbillon dans lequel je surnage encore ». Je laisse les lecteurs, s’il en reste, libres d’en penser ce qu’ils veulent.
Pour ma part, je nettoie la place une dernière fois et je jette l’éponge.
Je ne vois pas comment il aurait été possible de considérer comme « discussion » ou « conversation », de salon ou de hall de gare, ce qui commençait, au billet précédent par ce commentaire :
« Salut,
t’aimes ça Anne Portugal ? (Prigent, je ne dis pas – sommes d’ailleurs dans un projet commun sur G.Bataille) mais A.P., je trouve ça consternant de platitude, l’antithèse même d’un feu vital, dans une époque d’asphyxie qui ne piétine que trop l’oxygène et la révolte que représente(rait) la poésie, tout négatif liquidé… mais bon, sans doute suis-je « trop du côté » de gens comme Annie Le Brun qui crie (dans le désert ?) le « trop de réalité » dont souffre notre époque… »
« t’aimes ça Anne Portugal ? » = avis déjà négatif et irréversible + condescendance envers le pauvre Berlol qui se laisse berner par « ça » + question rhétorique, c’est-à-dire fausse question : puisque j’en parle, c’est sans doute que j’aime ça, et en plus j’en parodie le style, ce que le commentateur ne peut savoir puisqu’il n’a pas lu « Définitif bob ».
« (Prigent, je ne dis pas – sommes d’ailleurs dans un projet commun sur G.Bataille) » = avis plutôt positif sur Prigent mais aussitôt écarté au profit d’une relation à Bataille, considéré comme prioritaire, donc implicitement supérieur + affirmation de relation personnelle avec Prigent, ce qui pose son homme…
« mais A.P., je trouve ça consternant de platitude, l’antithèse même d’un feu vital » = avis personnel asséné sans analyse aucune, opposition entre « platitude » et « feu vital » qui est précisément au cœur du travail d’Anne Portugal et dont elle parle dans sa conférence, ce que le commentateur ne peut savoir puisque de son aveu postérieur, il ne l’a pas encore écoutée.
D’ailleurs, il ne dit pas ce qu’il a lu de Portugal et qui motive ce jugement catégorique.
Quant au « feu vital », érigé en élément déterminant de la poésie, qu’il nous soit permis d’en rire.
« une époque d’asphyxie »… et ce qui suit, où l’on retrouve l’antienne du « c’était mieux avant », « tout fout le camp, ma bonne dame », etc., propre à ceux qui dénigrent le présent alors qu’ils ne possèdent pas ou plus les moyens de le voir et de le vivre.
« révolte que représente(rait) la poésie » = assignation à un rôle ou une fonction de la poésie, avec lequel je suis en partie d’accord, même si je parlerais plutôt de « subversion » que de « révolte », mais qui peut être refusé ou contesté par d’autres : il est possible de vouloir une poésie hagiographique, épique, prosélytique, voire de propagande (même si ce n’est pas mon cas ni celui de notre commentateur, j’en suis sûr).
« Annie Le Brun qui crie (dans le désert ?) le « trop de réalité » dont souffre notre époque » = un peu comme Sollers qui se plaint par les nombreux médias auxquels il a accès de n’être ni écouté ni entendu 😉
De plus, rien ne dit qu’Annie Le Brun ait raison. Pour ma part, je pense qu’elle a grandement raison mais que le dire de cette façon ne sert à rien. Si l’on veut une autre société, il faut commencer par l’éducation, s’engager dans l’éducation des tout petits, des enfants, des adolescents, des parents, dans la politique de terrain pour faire voter autrement les citoyens, etc. Il ne faut pas rester dans sa tour d’argent, enfermé avec ses trésors du passé, en regrettant tout ce qui arrive…
Faut-il que je continue ?
Allons, le blog aussi est un exercice littéraire. Que chacun s’y astreigne comme à un véritable travail d’écriture, quels que soient les avis de ceux qui ne jurent que par l’édition papier, consécration dont ils ont besoin, peut-être, pour se dire qu’ils sont des écrivains.
Et Berlol il peut comme ça
ayant jeté l’éponge
tirer la chasse
« « feu vital » qui est précisément au cœur du travail d’Anne Portugal (…) Quant au « feu vital », érigé en élément déterminant de la poésie, qu’il nous soit permis d’en rire. »
cqfd
permets-moi aussi de rire de ça : »+ affirmation de relation personnelle avec Prigent, ce qui pose son homme… », vu comment tu affiches les tiennes… sans compter celle qui te relie à toi-même – la rêverie sur un hypothétique biographe il y a qq mois (le fait même que ça traverse l’esprit, même sur le ton de l’humour) pose aussi son homme… et l’inévitable antienne papier/internet… là, la chasse se tire d’elle-même.
« Pour ma part, je pense qu’elle (A.Le Brun) a grandement raison » ?
désolé si je n’ai pas lu « Définitif Bob » – les qq pages lues me l’ont fait tomber des yeux…
mais je doute que tu aies bcp lu A.Le Brun, en tout cas apparemment pas ce qui est sans doute son texte majeur de ces dernières années (« Du trop de réalité »), vu la férocité avec laquelle elle y parle des réseaux (net), des recherches universitaires, de la poésie du moment et j’en passe… et sa défense de la révolte (si, si), passion, etc. le livre se termine par « non, non, non, non, non, non » (merci).
mais merci ENFIN et surtout, de m’avoir appris que les commentaires sur les blogs étaient ou devaient être aussi un travail d’écriture – je tâcherai à l’avenir de les lire un peu plus/mieux… un grand merci pour cet éveil qui pourra me sortir de mon aveuglement condescendant.
« « « feu vital » qui est précisément au cœur du travail d’Anne Portugal (…) Quant au « feu vital », érigé en élément déterminant de la poésie, qu’il nous soit permis d’en rire. »
cqfd »
Encore la preuve que tu ne sais pas lire !
Je cite à nouveau ce que tu as grossièrement coupé :
« opposition entre « platitude » et « feu vital » qui est précisément au cœur du travail d’Anne Portugal »
Ce n’est pas le « feu vital » qui l’intéresse, c’est l’OPPOSITION, ou si tu préfères, la TENSION, la DISTANCE qu’il y a entre platitude et feu vital.
Je crois que je ne pourrais pas être plus clair.
Évidemment, si tu lis tous les livres en faisant de tels CONTRESENS, il doit t’être difficile de partager quoi que ce soit avec qui que ce soit.
Et puis, ce n’est pas parce que quelqu’un finit son livre par six « non » qu’il parvient à exalter et transmettre la révolte. Sinon, ça se saurait.
Ayant déjà tiré la chasse, j’ai l’impression de mettre le bras dedans, pardon… Donc, je te signifie que tes prochains commentaires ne seront plus agréés.
Si tu veux t’exprimer, oublie ce que dit Le Brun des réseaux informatiques, auxquels elle ne connait rien, ne présume pas que je ne l’ai pas lue (attention, il y a deux négations), et OUVRE UN BLOG !