Des lignes ont été déplacées
En mission de recherche jusqu’à dimanche. Rencontre de conservateurs de livres anciens dans un certain nombre de bibliothèques dans et hors de Paris. Découverte des structures administratives sous-jacentes par la capacité d’accord libre… Notre projet très pris au sérieux ; c’est bon signe.
Scellons nos accords avec un Daruma de six centimètres de haut dont on noircit l’œil droit. Effet garanti.
Comment perdre un ami ? (Il y a deux semaines.)
Il m’avait écrit : « Pour l’affaire Campus France, nous l’avons vécue les uns et les autres avec des sensibilités différentes. J’espère que le temps dépassionnera un tant soit peu les débats. »
Comme si l’ignominie avait cessé, comme si c’était une question de sensibilité, sous-entendu que la mienne n’était pas la juste, l’idoine, mais que bon, on pouvait passer l’éponge. Avec la condescendance de celui qui est à la bonne place. Et comme s’il s’agissait de passion, alors qu’il s’agit d’éthique. Et de droits fondamentaux. Car je ne vois toujours pas pourquoi nos étudiants, bénéficiant d’un accord inter-universitaire et de dossiers déjà établis entre les deux universités, devraient refaire intégralement un dossier, se soumettre à la décision de CampusFrance et payer 15 ou 20.000 yens (environ 200 euros) avant d’avoir le droit de demander un visa.
Une instance de pouvoir a été crée à partir de rien, sans vote citoyen, qui autorise de minuscules agents de l’état (en gros, des attachés d’ambassade) à outrepasser et contredire des décisions de présidents d’université.
Et puis le ton est monté. Car je ne lâche rien. Et si je donne mon opinion, si je l’élabore et la défends, j’attends de l’autre qu’il fasse de même avec son opinion à lui. C’est la moindre des choses. Sinon, on parle pour ne rien dire. C’est d’ailleurs ce qu’il a fini par avouer involontairement : que nous nous étions vus des mois pour papoter sans qu’il n’ait jamais donné son opinion. Il en était fier. C’en est pathétique.
Mais un peu partout, je me demande s’il n’y a pas comme ça, des micro-disputes qui séparent des amis.
On peut se demander s’ils sont / étaient réellement amis.
Mais on peut aussi penser qu’un phénomène plus large est à l’origine de toutes ces disputes synchrones. Car cet été, plus qu’à d’autres moments peut-être, des lignes ont été déplacées. Des lignes républicaines, des lignes humanistes, et déplacées non pas de quelques millimètres mais de plusieurs mètres.
Publié dans le JLR
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