L’appât (de la démocratie) est dans la nasse (du débat)
Déjeuner au French Dining (one-plate avec poulet rôti, un peu léger…). Passage chez Kayser où l’on achète une petite galette des rois (finalement).
Enregistrement de l’Atelier littéraire du 10 avec Jean-Charles Massera, Céline Minard, et sur le Zaroff de Julien d’Abrigeon. Un très bon moment !
En début de soirée, alors que je m’apprête à réfléchir sur Alto solo pour demain matin, un ami annonce sur Facebook un débat sur l’identité nationale organisé par l’Ambassade à l’Institut le vendredi 22 à 11h30. J’engage la discussion sur l’illégitimité du débat ; c’est mon opinion ; il défend le principe démocratique. Ça chauffe un peu pendant quelques commentaires (les arguments des deux côtés sont archi-connus) — le tout étalé sur un bon paquet d’heures — et puis ça finit par l’énerver et il commence à retirer des commentaires, arguant qu’il ne voulait que reprendre l’information et qu’on n’avait qu’à aller commenter… à l’ambassade.
Sauf que j’avais copié les commentaires par devers moi :
Moi : « Sans moi !
(j’aurais même pas relayé, tu vois…) »
Lui : « Eh bien, cela me laisse à penser que tu ne respectes pas le principe du débat démocratique, et ça me paraît très grave, car pourquoi refuser un débat ? »
Moi : « Les deux mots sont antithétiques (Michel Serres le disait d’ailleurs très bien il y a peu à la radio), l’expression n’a aucun sens, c’est un débat piégé d’avance et dont on sait qu’il va relancer le communautarisme et le racisme intérieur. Il faut savoir refuser un débat.
Mais débattons des budgets de l’éducation ! Débattons de la politique culturelle extérieure de la France ! Débattons des politiques salariales !
L’identité nationale, c’est LE leurre par excellence !
Et ça me paraît très grave (ça fait toujours bien de le dire).»
Lui : « C’est ton opinion, celle de Serres (mais personnellement, je ne vois rien d’antithétique), ça se discute! Refuser le débat, ça fait peur!
D’ailleurs, notre discussion ici ne remplacera pas le(s) débat(s) public(s).»
Moi : « Là, on n’est pas en train de discuter de l’identité nationale, on est en train de s’opposer sur la pertinence même d’un thème de débat.
Pendant qu’on ne te demande jamais ton avis sur les décisions dites d’Etat et qu’on fait passer des lois impopulaires sans discussion (Universités, Hadopi, etc.), on te fait l’aumône d’un débat qui n’apportera en France que la zizanie (parce qu’ici, avec le taux de sympathisants UMP, ça va plutôt faire consensus…), et hop, c’est la démocratie !
D’ailleurs, un vendredi à 11h30, je me demande bien qui sera libre pour s’y rendre ! »
Lui : « Très juste ! »
[… commentaires d’autres personnes que je n’ai pas besoin d’impliquer …]
Moi : « L’appât (de la démocratie) est dans la nasse (du débat). Tu as le choix. D’y entrer ou pas.»
[… première suppression du précédent commentaire …]
Moi : « Bizarre, tiens, que mon précédent commentaire ait disparu. je le remets (de mémoire) : L’appât (de la démocratie) est dans la nasse (du débat). Tu as le choix. D’y entrer ou pas.»
Lui : « @Patrick Non, c’est pas bizarre que des commentaires disparaissent, c’est une fonction de Facebook de pouvoir les supprimer. Je vais d’ailleurs en supprimer d’autres. Heureusement qu’elle existe!
Je te suggère d’adresser désormais tes commentaires sur ce sujet à l’Ambassade de France dont je n’ai fait que rediffuser une information.»Moi : « Merci de le dire, même si je ne trouve pas cela très « démocratique », pour le coup…
Mais je n’ai que faire de débattre avec l’ambassade qui ne fait d’ailleurs que ce qu’on lui a dit de faire en plus haut lieu.»
[… seconde suppression, et cette fois de tous mes commentaires ainsi que de ceux d’autres intervenants …]
Ça tient tout entier dans sa dernière phrase : ne faire que rediffuser une information de l’Ambassade. Comme si ne-faire-que, c’est-à-dire fournir gracieusement un tuyau supplémentaire pouvait être neutre. Par exemple, si je diffuse qu’il y a un concert de Johnny Hallyday, je ne fais pas que diffuser. J’ai sélectionné cette info parmi plein d’autres, et au détriment d’autres. j’affirme donc implicitement un choix. Soit parce que je suis d’accord avec ce qui est proposé — forme de militantisme bénévole, voire de prosélytisme — soit parce que j’ai un intérêt à offrir gracieusement ce canal supplémentaire, que ce soit auprès du diffuseur ou du côté des supposés récepteurs. Dire qu’on n’a fait que, et qu’on ne veut pas en débattre, ce n’est rien d’autre que refuser d’avouer et de s’avouer ses propres motivations.
Pour moi, la conscience politique est un préalable au débat démocratique. Je ne serai jamais neutre, politiquement. Et comme je ne suis pas fonctionnaire ni sous contrat d’aucune façon avec l’État, cela ne me pose aucun problème.
Par ailleurs, j’ai choisi de ne pas inscrire dans ce billet le nom de cet ami. Durant quelques jours, il est possible de le retrouver, si l’on veut vraiment le savoir. Pour autant, cela n’a pas d’intérêt à mes yeux. Ce qui m’importe, c’est de constater l’opposition de deux discours dits démocratiques et d’affirmer à travers cet exemple qu’il n’y a pas de neutralité individuelle dans la rediffusion d’une information émanant du pouvoir en place.
Tags : Abrigeon Julien d', Masséra Jean-Charles, Minard Céline, Serres Michel, Volodine Antoine
Publié dans le JLR
oui, très important ne pas se laisser happer – incroyable, vu depuis mes 5000 km de l’autre côté, cette impression que la pire droite arrive quand même à positionner sur son terrain
Ayant suivi le lien et le début du débat (jusqu’à la nasse), je confirme (les propos et leur effacement). La suite me stupéfie !
Plus amusant: Eric Kayser est le petit-fils d’un ami de mon grand-père (boulanger lui aussi) dont la fille était mon amie d’enfance!
Merci de la confirmation, c’est toujours utile.
Kayser fait un tabac, si je puis dire, au Japon. N’y a guère que le chausson aux pommes qui ne soit pas très réussi… (je suis très à cheval sur le chausson aux pommes)