L’heure de la sueur et de l’humour noir
Après deux cours, une brève réunion et un bon moment au bureau à discuter avec Sophie puis à finir de corriger mes copies — phases d’une journée somme toute banale quoique bien ensoleillée pour la saison — vient l’heure de la sueur et de l’humour noir. Sait-on jamais pourquoi untel ou untel préfère lire dans son bain, son lit, le bus ou le train… Moi, c’est le vélo statique. Lisant en pédalant ou pédalant en lisant, c’est comme si les deux activités s’émulaient l’une l’autre — qui paraissent à beaucoup tellement incompatibles.
Ô Temps suspendu
déclame la feuille naïve
qu’un fil d’araignée retient
« Cette année-là, dans la deuxième moitié de l’après-midi, ceux que j’aime eurent froid, mes fous eurent froid, mes fous préférés, les seuls dont j’aie jamais eu envie de parler, ceux dont j’ai toujours été amoureux et dont j’ai toujours cherché, par sympathie, par instinct, à partager le sort non enviable, manœuvrant de destin en destin et de rêve en rêve pour me retrouver avec eux détenu, condamné à mort ou hideusement défiguré et puni, ou méprisé, ou vaincu, avec eux réduit aux dimensions d’un objet de musée répugnant que nul n’examine ni ne comprend, les seuls pour qui j’aie jamais eu envie de continuer à écrire de la poésie romanesque et de la musique, ceux qui étaient un moi insoluble et qui le seront harmonieusement et affectueusement jusqu’à la seconde ultime, jusqu’à ce que je me réveille ou qu’on me tue. Ils eurent froid.» (Antoine Volodine, Nuit blanche en Balkhyrie, Paris : Éditions de Minuit, 1991, p. 27)
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Publié dans le JLR
Beau beau beau. Point.