On le descendra au prochain
Notre ErgoRapido d’Electrolux, si design soit-il, n’aspire plus guère. Depuis des mois, son régime moteur a baissé, un son plus grave attriste, tandis que miettes, fibres et cheveux restent désespérément par terre.
Passant dans un magasin d’électronique et d’électro-ménager de Shibuya pour des cartouches d’encre d’imprimante, nous en profitons pour aller voir — et essayer, tant qu’on y est — les aspirateurs. Nous en voulons un qui tienne debout. Et puis il faut abandonner cette idée de chargeur, branché en permanence, qui permet d’aspirer sans fil mais qui ne tient plus la charge après 3 ans. Un vendeur nous dit que pour ce modèle on ne change pas la batterie mais tout le bloc-moteur. Bonjour l’environnement !
Bref, le nouveau Toshiba de 340 watts ferait bien mon affaire. Mais ce magasin ne livre pas, ne reprend pas l’ancien gratuitement. Qu’à cela ne tienne, je le retrouve sur le site Amazon Japon le soir, moins cher qu’au magasin et on le commande.
Pour se débarrasser de l’autre, T. achètera un ticket d’encombrants et on le descendra au prochain passage du service de la mairie (pour 200 yens, soit dix fois moins cher que le service de reprise du magasin).
Pédalant au sport, je reprends Nuit blanche en Balkhyrie… et me voilà aspiré dans un tout autre monde.
Après le sauna et le bain, retournons à Bunkamura et dînons d’excellents sushis.
« Des gens se dandinaient sur la pelouse, devant les mahonias, et ils regardaient tantôt la forme disloquée de Kotter, tantôt la matraque que je brandissais encore, tantôt le ciel très noir.
— Cette bouillie de bonne bouille qu’il a, celui-là, a fait observer quelqu’un.
— C’est du corps en dehors de l’intérieur de nos pensées intérieures et de nos viandes, a bougonné un autre. C’est de l’extérieur soluble.
— Pas comme ceux que j’aime, ai-je dit.
— Non, a dit quelqu’un. Ceux que j’aime sont un moi insoluble.
La Neige tombait. Des explosions retentirent dans la rue des Vincents-Sanchaise, sur la place des Martyrs, dans le pavillon Locatelli, dans la gare de marchandises. Les bêtes traçaient des cercles et des spirales en mugissant autour du pavillon Schultz.
Je comprenais ce que voulait dire l’insane. je le comprenais à l’intérieur de mes pensées intérieures et de mes viandes.
— Hé, ai-je dit.
Kotter se dissolvait dans la nuit. Imberbe et extérieur au monde était Kotter.
— Écoutez, ai-je murmuré. Seuls ceux que j’aime, écoutez.» (Antoine Volodine, Nuit blanche en Balkhyrie, Paris : Éditions de Minuit, 1991, p. 23-24)
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Publié dans le JLR