On fait tourner gentiment les tubes
Ce matin, un lit m’arrive. Il fait déjà bien chaud. Les deux jeunes livreuses et le livreur se plient en quatre pour le monter dans la chambre que j’ai quand même spécialement climatisée pour eux. Ils m’en savent gré et installent le cadre métallique doré, le sommier en 140 et le matelas à ressorts indépendants en une vingtaine de minutes. Sauf qu’ils ont mis les joints non pas entre les pièces métalliques des pieds et du sommier, mais à l’extérieur, comme pour protéger les vis. Je le leur fais remarquer et une des filles dévisse et revisse de sorte que ça jointoie normalement. Les autres sont occupés d’un grincement du côté d’un pied, produit même au plus faible mouvement. D’ailleurs, ça n’avait pas l’air de les déranger, ce grincement permanent, quand je le leur ai signalé. J’insiste, on téléphone pour savoir quoi faire et puis on fait tourner gentiment les tubes des montants entre les deux pieds du lit. En effet, il y a une position stable, mais aléatoire, je pige, ça devrait aller. Je paie, signe et les laisse partir. Après, je suis dans de beaux draps. Justement parce que je n’en ai pas. Que des vieilles parures remisées de Tokyo. Mais pas le temps d’aller en acheter d’autres.
D’ailleurs, j’ai un shinkansen à prendre. L’université a eu beau être fermée pour la semaine pour cause de grippe A, il a quand même fallu que je vienne pour ces vingt-quatre heures-ci, de la réception du 14 juillet organisée par le consul de Nagoya hier midi, où le foie gras était particulièrement savoureux et où j’ai eu l’honneur de serrer la main de son Excellence Philippe Faure, avant de m’enfermer dans mon bureau trois heures durant afin de pondre et imprimer les sujets d’examen qui étaient pour lundi. David m’avait solidairement attendu et l’on va les déposer ensemble à l’administration. Après quoi, donc, la soirée était libre jusqu’à ce matin et le lit. Enfin le train arrive. J’y lis, j’y dors…
« Mais cette double référence [la révolution et le Bardo Thödol] sur laquelle tablent les marginalités hallucinées qui littéralement tiennent lieu de personnages à ce dit de l’impermanence qu’est tout roman de Volodine, est non seulement travaillée d’une contradiction, nous l’avons vu, elle se trouve en outre distanciée comme par une sorte de pudeur qui ressemble fort à cette attitude, bien connue de Diderot, par exemple (« Mes pensées, ce sont mes catins » est-il dit en toutes lettres dans Le Neveu de Rameau et en substance dans plus d’un de ses écrits qui répètent à loisir la prise de distance d’un homme pourtant éminemment engagé), une attitude que Nietzsche caractérisera comme « l’état génial de l’homme » et qui consiste « à la fois à aimer une chose et à s’en moquer ». S’impliquer absolument dans une chose — au point peut-être d’y sacrifier sa vie — tout en se ménageant la suprême liberté de s’en déprendre — jusqu’à l’apostasier au moment du sacrifice et ainsi mourir pour rien, c’est-à-dire pour soi, pour le monument qu’on se dresse ainsi, mais pour qu’il soit aussitôt détruit.» (Jean-Pierre Vidal, « Du Martyre considéré comme un des beaux-arts » p. 103-125 dans Défense et Illustration du post-exotisme en vingt leçons / sous la direction de Frédérik Detue et Pierre Ouellet, Montréal : VLB éditeur, 2008, p. 105-106)
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Publié dans le JLR
« j’ai eu l’honneur de serrer la main de son Excellence Philippe Faure »
… pour ce qui est de l’honneur, j’imagine qu’il n’y va pas de ta part sans une pointe d’ironie ou de vanité masquée…
D’autant que, de ma part, ce personnage n’est pas dénué de la plus grande vulgarité…
Amicalement
V
Hu hu !… (rire sous cape)
ironie du concombre masqué…
En partant, il m’a demandé si tout allait bien, s’il n’y avait rien de nouveau. Question rhétorique à laquelle j’ai répondu qu’il y avait toujours du nouveau… mais rien d’exceptionnel, sous entendu : qui méritât de lui être rapporté…
Il a semblé soulagé, craignant sans doute que je lui tienne la jambe avec une requête intempestive = non inscrite au plan de voyage établi par ses conseillers. On l’attendait à Osaka, voyez-vous.