Nouvelle brique dans le labyrinthe
Hmmmpf… Le monde ne s’est pas arrêté, à ce que je vois. Il aurait dû, peut-être… Je n’étais plus très motivé. Quelques heures durant. Le contrecoup. Mais non. Des voisins de l’immeuble friqué ont fait la fête une bonne partie de la nuit, sont sortis à dix sur leur terrasse pour chanter en anglais à tue-tête à deux heures du matin, d’autres ont réorienté leurs spots de balcon sur nous, comme si on était la Tour Eiffel, tandis que la clochette du quatrième n’est sans doute en veilleuse que pour quelques jours seulement. Mais c’est ça, vivre en centre-ville. Et ailleurs c’est autre chose, j’imagine, la basse-cour, les avions, les antennes, une cour d’école, des vagues, le vent. Tout n’est pas pire. Lève-toi et fais du thé.
Et bosses. Même si ça ne rapporte pas beaucoup. (D’ailleurs, qu’est-ce qui rapporte, aujourd’hui ?)
Et lis, dans des interstices, des angles de l’emploi du temps.
« On résistait de façon un peu vaine mais on résistait quand même. On ne ratait pas une occasion de fêter, n’importe quoi, donner des prix, encourager les apprentis. Ainsi, en 1942, lors d’une remise de médaille, on avait coloré les arums qui décoraient la table en bleu, blanc et rouge. Les Allemands, statures de demi-dieux face aux femmes et aux vieillards, arme à la hanche, ont souri et les fleurs ont fané très rapidement — des colorants pour peaux sur des végétaux, c’est assez corrosif — mais on avait ainsi l’impression de se raccrocher au grand train de l’Histoire.» (Laure Limongi, Le Travail de rivière, p. [60])
Jusqu’au moment de regarder en dînant avec T. deux épisodes de Grey’s Anatomy, la série la plus addictive que j’aie jamais connue. Et on regarde toujours ensemble, pour partager nos impressions, commenter, revoir ensuite des passages, ce qui pose une nouvelle brique dans le labyrinthe de notre culture — alors que je sais combien mes propres amis dégoisent parfois sur ces séries (mais pas tous, fort heureusement, même si les résumés dans les pages web sont pathétiquement mauvais). Cette fois, l’hôpital est évacué parce qu’un crétin amoureux des armes (pléonasme) s’est logé une munition de bazooka dans le thorax. Non explosée — sinon il ne serait même pas là.
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Publié dans le JLR