Convergentes files d’endimanchés
Un peu de temps pour lire le matin, ne serait-ce que quelques belles lignes, et la journée est sauvée de la banalité des jours.
« De ses mains minuscules aux doigts assez forts, dans ses gants blancs de Chine, la reine Victoria, qui a trente-deux ans, salue la foule enthousiaste du Crystal Palace. Elle visite les stands qui exposent des onguents faisant office de sangsues, des prototypes de corsets tout coton, des entraves pour esclaves, des soies indiennes, des jarres, des candélabres, des machines à vapeur, un nouveau modèle de cuiseur de pommes de terre, une moissonneuse, un lit à alarme, de fausses chinoiseries, un fusil pour chasser l’esclave récalcitrant, des antiquités, du charbon. Victoria n’est pas encore l’impératrice des Indes au visage sévère. Mais de ses gants blancs de Chine, hauts, à boutons de nacre, elle célèbre en grandes pompes la religion industrielle de l’Angleterre : la trilogie de l’Utile, du Beau et du Bien. Pendant ce temps, les ouvrières de Chaumont traquent dans les journaux des gravures de la Reine, ces gants royaux de quelques millimètres, à peine dessinés sur papier gris, qui représentent plusieurs jours de leur vie laborieuse et sont le centre secret de cette Exposition universelle.» (Laure Limongi, Le Travail de rivière, p. [22])
Après une nuit tronquée et trop d’heures à l’écran, longue promenade réparatrice avec T., en évitant les zones à forte densité en cerisiers, repérables de loin aux convergentes files d’endimanchés qui s’y rendent (alors qu’on a ce qu’il faut à la fenêtre de notre palier). Après Kagurazaka, jusqu’à Edogawabashi, puis découverte des quartiers d’Otowa et Kohinata, tout en escaliers et en pavillons, aucun commerce, aucune activité, et pas mal de caméras de surveillance. Pas sûr que ça me plairait d’habiter là-dedans. Puis descente des hauts de Myogadani, pas loin de chez Laurent, en face de chez feu Jean-Christophe, escalier donnant entre des tunnels près d’un dépôt de métros, vieux murs de pierres herbues, zone qui devrait plaire à Philippe Vasset, et retour dans le bas quartier de Suido, près de la rivière Kanda, d’où nous regagnons notre quartier après avoir croisé le patron du French Dining et l’avoir félicité pour l’ouverture de sa boutique d’Iidabashi, Les Gourmands disent…
Je m’attelle à nouveau à la préparation d’un programme de cours de lecture & phonétique — que j’aurais dû finir il y a deux semaines. N’en produis qu’un quart, rattrapé par un mal de tête. La position ? Le manque d’exercice ? Le sommeil en retard ?
Pour nous distraire en dînant, Hancock (Peter Berg, 2008). J’avais vu quelques extraits des effets spéciaux, que j’avais trouvé marrants, mais je ne m’attendais pas à un scénario si étonnant : un super-héros aigri, alcoolique et rejeté, qu’un Christ démarcheur tente de rééduquer (Jason Bateman, qui ressemble d’ailleurs à Antoine Compagnon en plus jeune), la connexion de la BD à la mythologie.
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Publié dans le JLR