Terrain vague et hors-sujet
Après dix heures de sommeil bien mérité, carcasse débranchée, le réveil n’est pas facile. L’ankylose traduit les excès du bloc veille et avant-veille, grosse masse d’heures à la fois éprouvantes et drôles. Mais c’est dimanche et l’on s’octroie un repos sans passage par l’appartement du 2e, dont le nettoyage commencera demain.
Il pleut toute la journée. Mais pas dans mon cœur, donc.
J’enregistre l’avant-dernière des émissions sur les années 70, consacrée hier à 1978, année de la mort de Claude François. Année durant laquelle Tony Duvert — disparu le mois dernier — publia Quand mourut Jonathan, dernier livre que j’avais lu de lui dans les années 80, sans qu’il parvienne à me plaire plus que les autres. L’écriture m’intéressait mais les histoires et les personnages m’indifféraient passablement. Son prosélytisme, comme tout prosélytisme, en l’occurrence pédophile (mais ça pourrait être n’importe quoi), a littéralement étouffé l’écrivain. Comme si l’opinion, la prise de position instrumentalisait la littérature. Toujours dans ma bibliothèque, jamais rouvert.
Il est amusant de voir que le chroniqueur dont l’arrêt public délivre souligne positivement l’œuvre et la personne de Duvert (nécro consensuelle d’un journaliste top de liste qui veut faire bien son boulot sans s’aliéner de lecteurs) presque dans le même temps qu’il exècre à nouveau Christine Angot (exercice également consensuel, attendu).
C’est la fin des JO, je m’en réjouis. Les médias sont laudatifs. Presque laxatifs. On botte en touche vers London qui aura à relever le défi de la perfection technique et esthétique… Et puis les Français sont bardés de médailles, ça calme, forcément.
Tiens, Marie Drucker est passée au 20-Heures de France 2 ! Elle ne s’assied plus nonchalamment sur un coin de bureau…
Pour parfaire le repos, soirée avec enfilade non préméditée de trois films. Le Chemin des écoliers (Michel Boisrond, 1959, d’après Marcel Aymé, vraiment intéressant sauf l’improbable réconciliation finale entre père et fils), 88 Minutes (Avnet, 2007, Al Pacino véritablement excellent dans une intrigue efficace, anti-James Bond quand même entouré de belles filles), Camping à la ferme (Sinapi, 2004, gentiment drôle, sur le principe du choc des mondes, ici banlieue contre campagne).
Et pour finir, un petit clin d’œil à Christine. Je suis passé par les pages 49 et 50 du Modiano et ai aussi souligné la co-présence des mots liens et lignes de fuite — terrain vague et hors-sujet tellement parlant pour nous…
« Décidément, j’étais encore prisonnier de mes vieux réflexes professionnels, ceux qui faisaient dire à mes collègues que, même pendant mon sommeil, je poursuivais mes enquêtes. […] sur ce banc, maintenant qu’il faisait nuit, j’avais l’impression d’être dans un rêve où je continuais de suivre à la trace Jacqueline Delanque.
Ou plutôt, je sentais sa présence sur ce boulevard dont les lumières brillaient comme des signaux, sans que je puisse très bien les déchiffrer et sans savoir du fond de quelles années ils m’étaient adressés.» (Patrick Modiano, Dans le Café de la jeunesse perdue, p. 65-66)
Tags : Angot Christine, Assouline Pierre, Aymé Marcel, Boisrond Michel, Duvert Tony, Modiano Patrick
Publié dans le JLR
jolie malice de votre lecture des blogs vedettes, du monde et des livres – coeur léger
cela veut dire aussi que l’on va pouvoir avoir de nouveau accès au JT depuis le Japon.
Oui, et que cesse ce scandale du sport dont les « droits » interdisent l’accès aux autres types d’informations contenus dans les JT !
Sans doute France 2 et France 3 n’ont-ils pas eu les moyens — ou n’avaient-ils pas prévu (…?) — d’employer quelqu’un à simplement mettre un écran noir sur les images sportives, comme TF1 l’a fait.
Par ailleurs, il suffisait d’être abonné à TV5 Monde pour avoir « normalement » le JT de France 2…
N’importe quoi !
je te trouve très injuste avec Tony Duvert
(à moins qu’il ne s’agisse que de prendre le contrepied de Pierre Assouline, dont pour ma part j’ai trouvé le billet très nuancé, et pas du tout convenu)
le terme de prosélytisme ne lui convient pas vraiment et son écriture est vraiment intéressante (j’ai reparcouru tous ses textes)
son seul tort est d’avoir voulu préserver une sorte de pureté ou de radicalité quasi enfantine, et d’avoir refusé de composer avec les médias, comme un Robbe-Grillet, plus roublard et qui a su faire accepter une thématique tout aussi stigmatisée par notre époque puritaine
Tu prends souvent sa défense, à Passou ! C’est louche…
En revanche, tu sembles laisser de côté que je parle d’une impression de lecture, y compris pour le prosélytisme, qui date des années 80. Je n’ai pas (encore) « reparcouru ses textes », moi !
Un Pinget ou un Ollier n’ont pas été plus amènes avec les médias, tu sais, et ils n’en ont pas moins préservé intégralement leur « radicalité » exclusivement littéraire.
je triche, car j’ai une grande bibliothèque sous la main pour reparcourir, moi (mes quelques exemplaires sont au fond d’un carton – et je te concède que mes impressions de lecture des années 80 n’étaient pas très bonnes non plus)
quant à passou (tu lui as donné un petit nom très mignon pour quelqu’un qui ne l’aime pas) je ne le défend que chez toi, parce que tu l’attaques systématiquement, et que j’aime démonter les systèmes !
C’est le sobriquet donné par ses lecteurs-commentateurs…
Suite à un problème de base de données, je n’arrive plus à poster (et en plus, c’est de ma faute). Prière de passer par la version mensuelle.
Si la « radicalité » n’est qu' »exclusivement littéraire », alors, c’est presque une fin de monde ! pardon, pour cette manière expéditive – en écho à ton expression non moins condensée – de simplifier tout en provoquant un peu, mais on pourrait alors, à juste titre, reprendre ce poncif récurrent et évidemment imagé d’une mort de la littérature! qui est néanmoins quasi palpable si elle n’est justement qu' »exclusivement » « littérature »… A cet encontre, je dirais alors, en signe de « bonne nuit », comme Dewaere et Depardieu dans « Préparez vos mouchoirs » : « Merci Mozart », ou « Merci Verlaine »!
Amicalement.
V