En tongues, sans corde de rappel

lundi 30 mars 2009, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Le Clézio et T. me pompent littéralement tout mon temps… Et le premier, parfois, aussi, l’air… Style bateau, propos creux… Mais que vais-je faire dans cette galère ?

« Peut-être qu’ainsi j’apprendrai à ne plus poser de questions. Est-ce qu’on interroge la mer ? Est-ce qu’on demande des comptes à l’horizon ? Seuls sont vrais le vent qui nous chasse, la vague qui glisse, et quand vient la nuit, les étoiles immobiles, qui nous guident.» (Jean-Marie Gustave Le Clézio, Le Chercheur d’or, p. 161)

« Vous voulez dire que vous ne croyez pas à l’existence de ce trésor ?
Il secoue la tête.
— Je ne crois pas que dans cette partie du monde — il montre d’un geste circulaire l’horizon — il y ait eu d’autre fortune que celle que les hommes ont arrachée à la terre et à la mer au prix de la vie de leurs semblables.» (Ibid., p. 164)

« Cela m’est égal. Ici, la mer est si belle que personne ne peut longtemps penser aux autres. Peut-être que l’on devient pareil à l’eau et au ciel, lisses, sans pensée. Peut-être qu’on n’a plus ni raison, ni temps, ni lieu. Chaque jour est semblable à l’autre, chaque nuit se recommence. Dans le ciel nu, le soleil brûlant, les dessins figés des constellations.» (Ibid., p. 164)

Voici bien longtemps que je ne m’étais pas promené tout seul dans le quartier de Shinjuku, ne serait-ce qu’une heure. D’abord pour voir les nouveaux ordinateurs portables à Yodobashi Camera. Puis dans des ruelles, à la recherche de restaurants, d’angles insolites.
Déjeuner à trois, avec Christine et T., dans un restaurant de sobas du Shinjuku Keio Hotel.
Temps parfait, frais mais ensoleillé, en accord avec notre pleine jeunesse — d’esprit…
Courses au retour, pour le dîner. Je fais un poulet à la cocotte, avec un jus long et parfumé qui sera demain de la gelée. Et on regarde les trois premiers épisodes de la saison 1 de Grey’s Anatomy. Sur ce coup-là, on a du retard. Et l’intempestivité n’est pas mauvaise.

Côté web, des lignes de fuite convergent : quand lire ensemble ce qui concerne l’agrégation, le contenu (un certain type) et le travail d’analyse. Merci, Christine !
Ma catégorie serait celle des — forcément littéréticulaires — zibaldonesques journaux, dont le contenu aspire au respire le littéraire, tout en n’étant pas spécialisé en critique, journalisme, fiche de lecture, libraire, édition, etc.
En revanche, voilà bien de quoi illustrer mes propos répétés sur l’instinct grégaire des gogos, avec ce billet Amis / Ennemis de Léo Scheer samedi — qui figurera assurément un jour parmi les plus stupides de l’année 2009.
Voyez comment le commentaire y est dru et vain. Mérité, aussi.
Aidé d’amis fidèles, j’ai pu ces derniers jours réviser mes positions sur les commentaires, leur nombre, leur qualité, l’historicité du truc…

Si on veut continuer à descendre, vers l’image du lectorat et des fortunes — ou des faillites — littéraires, on peut aussi lire les commentaires à ce Top 5 des livres difficiles mais qu’on peut lire quand même, sur Fluctuat le 27. Il ne s’agit pas de juger ou de mépriser mais juste de prendre la mesure de la difficulté de certains livres que la doxa prétend géniaux, incontournables. De voir aussi que bien des gens ont fait de méritoires tentatives, de sincères efforts, et ne sont pas parvenus à s’accrocher. Leur bonne volonté, leur souci de se cultiver se sont heurtés à leur impréparation et à leur manque d’outillage — et ce, le plus souvent, parce qu’« on » — qui ? — leur a dit que c’était faisable…
Oui, lire La Vie mode d’emploi de Georges Perec ou Finnegans Wake de James Joyce s’apparente, pour bien des gens, à l’ascension du Mont-Blanc en tongues, sans corde de rappel. Ce n’est pas parce que les montagnards et les alpinistes patentés prennent leur air goguenard pour dire que c’est pas plus dur que ça qu’ils se sentent aidés — bien au contraire…

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5 réponses à “En tongues, sans corde de rappel”

  1. Caroline dit :

    « Le Clézio et T. me pompent littéralement tout mon temps… Et le premier, parfois, aussi, l’air… »
    Ouf ! je veux parler de Le Clézio, bien sûr. Enfin quelqu’un qui ose émettre des réserves à l’encontre de notre Nobel canonisé par la critique entière. On se sent moins seul…

  2. PhA dit :

    Rien ne vaut un style bateau pour interroger la mer.

    Vu aussi, ce billet sur le blog LS… … …

  3. brigetoun dit :

    ne cédons pas (surtout à mon échelle, mais justement je réagis à ceux de mon estrasse, pas à la spère que vous visez) à la mysanthropie, et surfons sur ou sous, même très dessous les luttes d’influence des blogs amis/ennemis/indifférents.
    Pour Le Clézio que je découvre paresseusement, un peu la même chose,et puis il y a toujours un moment de grâce

  4. pagesapages dit :

    Ah, vous aussi pour Le Clézio ?
    (je pensais que j’étais atteinte d’une malformation, ou pas encore assez mûre, ou dotée de neurones grincheux, ou irrécupérable, et j’attendais « l’appel », la révélation, le moment où, enfin, je serais moi aussi prise par la grâce. (euh.. pardon, « la Grâce ») Finalement, c’est long d’attendre.
    🙂

  5. pagesapages dit :

    Oups, j’ai ouvert une parenthèse sans la refermer. Gare aux courants d’airs.