Du génie, dans tous les compartiments
Que TV5 Monde pouvait réduire le 20 Heures de France 2 en fonction de sa grille horaire, je l’avais subodoré et je n’en trouvais pas le principe choquant. Mais ce qui est arrivé ce matin est quand même plus grave. À 8h30, heure de Tokyo, David Pujadas donne les titres parmi lesquels je retiens, pour la fin, sans y faire attention plus que ça : la charia au Pakistan, Le Pen réitère ses propos, puis les dix ans du PACS. Mais arrivé là, on passe directement du Pakistan au PACS, puis le journal s’achève, un peu brusquement. Étonné, j’ouvre le site du 20 Heures de France 2 pour le revoir. Et là, quel n’est pas mon étonnement : il y a bien un sujet sur Le Pen, et de plus, après le PACS, il y a aussi un sujet sur l’exposition des graffitis au Grand-Palais. Ce qui veut dire que, pour ses besoins horaires, TV5 Monde a décidé de couper deux sujets d’actualité pourtant pas politiquement négligeables, Le Pen et les grapheurs, et de conserver un sujet, les 10 ans du PACS, qui est plus une actualité commémorative qu’une véritable actualité. Il y avait peut-être moyen de raccourcir la charia ou le PACS pour faire une petite place à Le Pen et aux graffitis…
Mais au-delà de ces choix de coupeurs de cheveux en quatre, c’est l’intégrité d’une équipe journalistique et le respect du public qui ont été piétinés par l’intermédiaire indélicat.
Toujours est-il que ce que j’ai appris sur le site de France 2 et que je n’aurais pas su en restant sur TV5, c’est que Le Pen a trouvé moyen de redire mot pour mot son détail des chambres à gaz, et devant l’Assemblée européenne cette fois. Et il n’a pas fait que le redire, il a ajouté que c’était une évidence, qu’il avait été condamné pour cela, injustement à son avis, et que c’était là l’état actuel de la liberté d’expression. Il a donc 1. assumé une nouvelle fois ses propos, 2. refusé toute idée de faute ou d’erreur et 3. contesté le tribunal qui l’avait condamné.
Lecture de Le Clézio, des heures dans un café. Au moins, ça, ça ne trompe pas.
J’ai appris tout à l’heure qu’il ne viendrait pas au Japon en avril, comme cela avait été précédemment annoncé — il est vrai, sous réserve. Depuis plus de dix ans, j’ai entendu plusieurs fois des responsables institutionnels parler d’une possible venue de Le Clézio au Japon. Et ça ne s’est jamais fait. La raison que j’ai entendue, il y a plus de dix ans, c’est qu’il exigeait l’avion en première pour deux (lui et sa femme, je suppose). Était-ce la même chose cette année, maintenant qu’il est prix Nobel ? Nous ne le saurons probablement jamais.
(Avec les budgets actuels, j’imagine que même un supplément d’oreiller serait impossible…)
(Ceci dit, pour un grand voyageur, ça la fout mal…)
« Nous descendons dans la cale par l’échelle. Au fond du bateau, la chaleur est étouffante, et l’air est chargé des odeurs de cuisine et de marchandises. Malgré les écoutilles ouvertes, il fait sombre. L’intérieur du bateau n’est qu’une seule grande cale, dont la partie centrale est occupée par les caisses et les ballots de marchandises, et l’arrière par les matelas à même le sol où dorment les marins. Sous l’écoutille avant, le cuisinier chinois est occupé à distribuer les rations de riz-cari qu’il a fait cuire sur un vieux réchaud à alcool, et à verser le thé d’une grande bouilloire en étain.
Bradmer s’accroupit à l’indienne, le dos appuyé contre une poutre, et je fais comme lui. Ici, à fond de cale, le bateau roule terriblement. Le cuisinier nous donne des assiettes émaillées pleines de riz, et deux quarts de thé brûlant.
Nous mangeons sans parler. Dans la pénombre, je distingue les marins indiens accroupis eux aussi, en train de boire leur thé. Bradmer mange rapidement, en se servant de la cuiller cabossée comme d’une baguette, poussant le riz dans sa bouche. Le riz est huileux, imprégné de sauce de poisson, mais le cari est si fort qu’on sent à peine le goût. Le thé brûle mes lèvres et ma gorge, mais cela désaltère après le riz pimenté.» (Jean-Marie Gustave Le Clézio, Le Chercheur d’or, p. 128)
Parmi les films téléchargés, Outland (Peter Hyams, 1981) et Blade Runner (Ridley Scott, 1982). Entre les deux, un immense fossé, celui du génie, dans tous les compartiments possibles. J’y reviendrai.
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Publié dans le JLR
ne pas faire de publicité aux efforts du vieux clown cruel pour exister, est ce si condamnable.
Moi je découvre en vous lisant que Le Clézio aussi a une curieuse façon d’évaluer la reconnaissance de ses qualités (bon reste l’écriture, souvent)
Le Clézio et la première classe en avion, cela reste une rumeur n’est-ce pas ? Ce qu’on appelle par ici en créole le « la dit la fait ».
Ceci dit j’ai vu un jour à Londres Carlos Fuentes se mettre devant la queue pour attendre son embarquement en première pour Mexico.