Le pompon du navet séché
Enregistrements du jour : Une Vie une œuvre d’hier consacré à Tennessee Williams, les extraits du Carnet de voyage en Chine de Roland Barthes, également diffusés hier en Fiction, suivis de Mauvais Genres sur l’uchronie, avec Éric Henriet.
Vraie phase de repli. Il y a un film à l’Institut suivi d’une conférence avec Juliette Binoche et je n’y cours pas…
Quand T. a fini de préparer ses abattements fiscaux (c’est la période), sortie en métro jusqu’au Mitsukoshi de Nihombashi pour voir des lits. Mais rien de bien intéressant, ou beaucoup trop cher. On achète des serviettes de toilette emballées séparément et marquées à mon nom (sur l’emballage) pour servir de petit cadeau aux nouveaux voisins — c’est une coutume nippone ni mauvaise.
Un petit quatre-heures au café West, dans le même grand magasin. T. m’apprend que ce café (pas exactement ici, mais la même enseigne) était un des premiers du Japon moderne, après-guerre, et que des générations entières de bonnes familles tokyoïtes se sont envoyé des petits gâteaux de cette maison… On en profite pour adresser un petit paquet à mon agent immobilier, qui m’a tant aidé ces dernières semaines.
« La lumière du trésor de Rodrigues m’éblouit, et fait pâlir toutes les autres. Mon père parle longuement, cet après-midi-là, marchant de long en large dans la chambre étroite, soulevant des papiers pour les regarder, puis les reposant sans même me les montrer, tandis que je reste debout près de sa table, sans bouger, regardant furtivement la carte de l’île Rodrigues épinglée sur le mur à côté du plan du ciel. C’est peut-être pour cela que, plus tard, je garderai cette impression que tout ce qui est arrivé par la suite, cette aventure, cette quête, étaient dans les contrées du ciel et non pas sur la terre réelle, et que j’avais commencé mon voyage à bord du navire Argo.» (J.-M. G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, p. 63-64)
Argo. Les Argonautes. Jason. Ça me rappelle mes premières chroniques webiennes…
Statistiquement, il faut bien qu’on visionne parfois un film vraiment nul. Ce soir, c’est The Happening (Phénomènes, M. Night Shyamalan, 2008) qui remporte le pompon du navet séché. Vague de suicides sur la côte Est des États-Unis. Fuite et décimation de masses, mais à l’économie, pas de grands effets spéciaux, ni de déballage de chars militaires, des personnages qui semblent avoir des choses à se dire mais ne parviennent pas à nous intéresser à leur cas, la pendémie qui attaque des groupes de plus en plus réduits, etc.
Ce que j’en retiens :
— des gens utilisent leur téléphone portable pour s’envoyer des scènes de suicide
— il existe un bled nommé Filbert
— les États-Unis n’en finissent plus de nous abreuver de films dans lesquels ils se font attaquer de toutes les façons possibles — et je ne connais pas d’autre pays qui se victimise autant dans son cinéma : entre le goût de se faire peur et le masochisme inhérent aux cathos, il y a place pour y voir l’expression d’un inconscient collectif, celui d’une irrationnelle mais bien profonde culpabilité consécutive aux agressions américaines dans le monde entier ; s’exportant partout, le principe et les dangers s’universalisent, mais ça ne fait pas aimer plus les Américains…
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Publié dans le JLR