À quoi la notation manuelle convient mieux
Lever à 6 heures pour finir mes notes de cours. Habitude reprise d’écrire ça au stylo-plume tandis que l’ordinateur sert aux recherches terminologiques… Pas la même écriture d’ailleurs que pour une communication ou un article. Ici, c’est l’urgence du cours oral, dans deux heures, qui prime, et à quoi la notation manuelle convient mieux (cours que j’enregistre en MP3 et qui pourra servir à une autre rédaction — après la retraite, si j’ai du temps, peut-être).
La première partie de Bonjour tristesse s’achevait sur les mots : « comme si j’avais été sûre de la vaincre.» (p.67), certitude et victoire qui seront des thèmes essentiels de la seconde partie, mais en quoi s’amalgament subtilement le personnage et la narratrice. Car en effet, ni certitude ni victoire n’ont le même sens pour la jeune Cécile qui, frustrée de son premier amour, veut détacher son père d’une froide marâtre, d’une part, et d’autre part, plus d’un an après, pour celle qui écrit tout cela, se sentant quand même un peu coupable de la mort d’Anne.
L’issue fatale étant déjà annoncée, même au primo-lecteur, c’est avec ce hiatus sémantique en tête que s’ouvre la seconde partie, précisément consacrée à la naissance de la conscience réflexive, à l’embarras du libre-arbitre et au surcroît d’isolement qui en résulte. Ce qui nous donne trois belles pages sur la tergiversation (71-73) et la fragilité des premiers avis. Sans aide ni conseil, les velléités libertaires font peur et l’on souhaite n’être « plus infestée de ces sentiments acides et déprimants » (75) — jusqu’à ce qu’une nouvelle blessure d’amour-propre soit infligée par la despotique quadra qui préfèrerait le père sans la fille, toujours sur ce thème capital… : « vous qui n’avez pas de tête, vous devenez cérébrale et triste » (76).
À l’inverse de la tête, qui ne faisait que penser, le thème de la main est d’abord doux et agréable, lié à l’instinct, au geste spontané. C’est sur l’émouvante évocation de celle du père que s’achève ce premier chapitre, avec « cette main qui ne pouvait plus rien pour moi » (p. 76), alors que c’est sur celle, « tremblante », qui cherchera le futur fiancé, que finit le chapitre II (p. 86). Entre-temps, dans ce chapitre II, Cécile a commencé à manipuler Elsa (p. 79-81) — une main dans l’engrenage, effrayée de son pouvoir, prête à tout avouer (p. 84), mais encore sûre de tout pouvoir arrêter… d’un geste de la main.
Avec le chapitre III, une surprise troublante vient déranger Cécile : la demande en mariage. Une main qui vient… trop tôt à son goût. Et puis, la tête reprend dangereusement le dessus…
« Je parlai longtemps, je leur expliquai mon plan. Ils me présentaient les mêmes objections que je m’étais posées la veille et j’éprouvais à les détruire un plaisir aigu. C’était gratuit mais à force de vouloir les convaincre, je me passionnais à mon tour. Je leur démontrai que c’était possible. Il me restait à leur montrer qu’il ne fallait pas le faire mais je ne trouvai pas d’arguments aussi logiques.» (Françoise Sagan, Bonjour tristesse, p. 91)
Déjeuner au Saint-Martin. Il fait à peu près beau. Ce qui ne m’empêche pas d’aller ensuite me recoucher une heure.
Enregistrement et écoute simultanée — tellement c’est bon — des deux Surpris par la nuit intitulés « Emma et le babouin » (Aurélie Djian, par ailleurs auteur de l’article cité mardi sur Philippe Vasset — comme quoi, hein…).
Film du soir : Eagle Eye (L’Œil du mal, D.J. Caruso, 2008), nouvelle version du Big Brother, incarné cette fois, si l’on peut dire, par un descendant d’Al, l’ordinateur de 2001 l’Odyssée de l’espace, qui parlerait d’une belle voix féminine. Mais même centralisant toutes les données des téléphones, des médias, des caméras de surveillance, ou analysant les vibrations d’un liquide pour écouter des voix, il manque encore beaucoup de psychologie à l’ordinateur…
Tags : Djian Aurélie, Sagan Françoise, Vasset Philippe
Publié dans le JLR
j’ai loupé « Emma » et vous remercie de le signaler.
Assez fascinant de croire vous voir évoluer dans votre jugement sur « Bonjour tristesse » en l’étudiant pour le faire passer – j’aurais presqu’envie de le relire (mon premier livre de presque adulte, comme la guimauve des Platers et Hiroshima mon amour)