Variations spéculaires sur le droit d’ingérence
Comme je l’avais subodoré la semaine dernière en voyant mes voisins de palier accueillir un camion, je suis maintenant le dernier locataire de l’immeuble. L’appartement devient un centre de tri : ce que je jette, ce que je garde et dans quelle catégorie. Du coup, quand je vais au sport pour une séance rapide, c’est plutôt pour me reposer et lire en pédalant.
« […] grand-père disant, la main gauche levée ainsi qu’il le faisait toujours quand il s’apprêtait à me dire quelque chose d’important, c’est à la maîtrise qu’il a du temps qu’on mesure la richesse véritable d’un homme, et j’entends bien profiter des dernières années qui me restent à vivre pour donner libre cours à ce que, là-bas, dans cette maison qui m’est devenue aussi odieuse qu’à toi, on nomme mes inepties de vieillard sénile, je veux maintenant perdre mon temps […] » (Frédérique Clémençon, Traques, p. 115-116)
Dernières piles de copies à corriger (pour ce soir — maîtrise du temps — calendrier universitaire oblige), j’écoute alternativement informations et musique.
C’est étrange, comme des données variées s’amalgament parfois. On dit qu’ici ou là, dans différents pays, à cause de la crise, des boucs émissaires sont vivement recherchés : les banquiers, les travailleurs étrangers, les marginaux, etc. Et puis soudain, comme par hasard, arrive un bouquin pour descendre Bernard Kouchner en plein vol… Oui, mais vol, ou détournement, de quoi ? De rien, juste pour insinuer, calomnier… D’ailleurs, quelles que soient ses turpitudes, réelles ou imaginaires, je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment, surtout sans preuves. Il est même étonnant qu’un éditeur s’engage sur un tel coup. Ils sont aux abois, eux aussi, les éditeurs. Ou alors…
Ou alors, c’est de la littérature ! Oui, de la vraie. De la fiction contemporaine. Au sens où ont été écrits récemment des livres de fiction sur Marlon Brando, Émile Zatopek, Marylin Monroe, Jeanne Mas, Bob Dylan, et tant d’autres — avec des fortunes critiques diverses, il est vrai ; tout le monde n’est pas Bon ou Échenoz. Allez, les libraires, mettez le Péan en littérature contemporaine ! Ah ah ! Et qu’on lui donne le Goncourt, pendant qu’on y est ! Pour ses variations spéculaires sur le droit d’ingérence dans le roman francophone ! Et qu’on rigole !
En tout cas, ça fait bien de la distraction pour un Sarkozy au pied du mur. Distraction au sens de détournement de l’attention générale. Le bonneteau géant continue.
Ce soir ou jamais du 3, justement, où il est question de gauche de la gauche et de décroissance (sautez la première partie avec Serge Lama, c’est pitoyable — qui écrira un roman contemporain sur Serge Lama ?). Daniel Bensaïd, Jacques Marseille et al. : qui croire, comment faire ? Visionnaires, réformateurs, rêveurs, qui se disputent pour savoir qui imposera sa forme de démocratie — comme d’habitude. Intellectuellement, c’est excellent. Politiquement, moins.
Avant de me coucher, j’atteins péniblement les deux tiers du film Bonjour tristesse entamé hier… L’action s’est nouée, le ressort se tend. Une chose qui me plaît bien : le choix du noir et blanc pour le présent narratif, dans la mouvance jazz et caves de Saint-Germain, contrastant avec les couleurs criardes du Saint-Tropez de l’année passée. Inversion du code du flash-back, mais respect du fossé entre naïveté chromatique et tristesse monochrome.
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Publié dans le JLR
la danse des egos appelant au renoncement de celui des autres au nom de l’unité et de la pureté (une facette du bonneteau ?)
En effet, le bonneteau a beaucoup de facettes, si l’on peut dire…