Mariage avec un cassoulet
Courrier à rattraper — je cours derrière.
Lecture de Sagan. Ce n’est pas spécialement un style que j’aime, même si je reconnais qu’elle écrit bien. Ainsi peut-il y avoir un fossé — infranchissable quand il n’est pas en train de se creuser, dirait un dictionnaire d’idées reçues — entre reconnaître une qualité, presque à son corps défendant, et aimer, qui nous vient avant de réfléchir.
L’un est un geste de l’intellect, approuvant la conformité à des canons appris, en mesurant l’efficace par contraste avec d’autres écritures ; l’autre est une réaction dont on ne connaît pas exactement le siège, que par métaphore on dit épidermique ou du cœur, et qui fait adhérer avant de réfléchir — et parfois contre l’intellect, qui nous dirait plutôt que c’est horrible (Baudelaire, Hugo, Volodine), abject (Céline), insupportable (Sade, Bataille), idiot (Angot). D’où notre incapacité, souvent, à faire reconnaître ou à défendre nos goûts, surtout si l’on n’a pas un petit bagage critique — mais parfois même si on l’a, voire même parce qu’on en a un…
« Le ciel était éclaboussé d’étoiles. Je les regardais, espérant vaguement qu’elles seraient en avance et commenceraient à sillonner le ciel de leur chute. Mais nous n’étions qu’au début de juillet, elles ne bougeaient pas. Dans les graviers de la terrasse, les cigales chantaient. Elles devaient être des milliers, ivres de chaleur et de lune, à lancer ainsi ce drôle de cri des nuits entières. On m’avait expliqué qu’elles ne faisaient que frotter l’une contre l’autre leurs élytres, mais je préférais croire à ce chant de gorge guttural, instinctif comme celui des chats en leur saison. Nous étions bien ; des petits grains de sable entre ma peau et mon chemisier me défendaient seuls des tendres assauts du sommeil. C’est alors que mon père toussota et se redressa sur sa chaise longue.» (Françoise Sagan, Bonjour tristesse, Pocket 3564 [rééd. de Paris : Julliard, 1954], p. 15)
Les cigales chantent-elles vraiment dans les graviers ?
Il n’y a plus ce vent froid d’hier. C’est presque le printemps à Ginza où nous allons pour des cartes postales (Ito-ya). Vite fait, nous passons voir les dernières soldes au grand magasin Matsuya. Rayon sous-vêtements, rayon sport, rayon linge de maison… Rien ne retient notre attention. La fièvre acheteuse est tombée.
En même temps, vu le temps qu’il fait en France, je ne vais pas me plaindre pour un peu de vent. Cette année, on aura plutôt fait des économies de chauffage.
Avec quelques jours de retard (mais qu’importe !), nous fêtons notre anniversaire de mariage avec un cassoulet au Saint-Martin. Original, non ? Ça m’avait étonné quand T. l’avait proposé il y a quelques jours, parce que c’est quand même un peu lourd, surtout pour le soir. Mais elle voulait goûter les haricots. D’ailleurs, ce n’est pas trop gras, bien parfumé et plutôt digeste. Comme notre union, finalement.
Le dernier Indiana Jones — I.J. et le royaume du crâne de cristal (S. Spielberg, 2008), pour se distraire. On ne cache pas son âge. Le scénario est bien ficelé, respecte l’aspect rustique du personnage. Mais pourquoi cela va-t-il si vite ? Quand je veux du jus d’orange, je ne prends pas du concentré en poudre additionné de vitamines.
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Publié dans le JLR
J’adore : une union pas trop grasse, bien parfumée, plutôt digeste. Question romantisme on a fait mieux !
Oui c’est un peu cassoulaid mais ce qui importe c’est la tendresse derrière.
Et pas que derrière !…
Eh oui, le quotidien n’est pas fait que d’amour et d’eau fraîche !
Ce « chant de gorge guttural » m’interpelle.
Quelque part, au niveau du vécu ?
A dire vrai, son pléonasme a un côté gorge profonde qui me turlupine. Encore que.