Comme de petites griffures beiges
Ai reçu un carton d’invitation pour une présentation qui m’aurait beaucoup intéressé, dont François Bon a déjà parlé en décembre. Mais plus de 11000 km m’en séparent… En revanche, certains de mes lecteurs peuvent toujours essayer d’y aller. Il y a peut-être encore moyen de s’inscrire. À moins que la Sorbonne ne soit fermée le 3 février, suite à la grève du 2… À suivre. Peut-être quelqu’un me tiendra-t-il au courant.
ou l’art du montage
Sous la dir. de Mireille Calle-Gruber
Présentation de l’ouvrage et du DVD-rom
— En présence de Réa Simon
avec la participation de Pascal Quignard —
Mardi 3 février à 17 heures
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
17, rue de la Sorbonne
Salle Bourjac – Galerie Rollin
Présentation suivie d’un cocktail
R.S.V.P. avant le 29 janvier
Boutique des Cahiers, 8 rue de la Sorbonne
01.40.46.48.02
psn@univ-paris3.fr
Ici, il a plu salement toute la journée. T. est passée chez son médecin traitant dans la matinée, moi j’ai continué mes activités de correcteur de copies pénibles, voire mes activités pénibles de correcteur de copies, ou peut-être même mes activités de pénible correcteur de copies, penseront certains des étudiants mal notés.
Nous avons déjeuné dans un restaurant du quartier, Kagaya, dit T., un plateau avec des fritures d’huîtres, ou devrait-on dire huîtres panées, ainsi qu’une soupe, du riz, etc. Excellentes, les huîtres ! Nous avons pensé que tant que nous restons et travaillons comme ça à la maison, il vaut mieux sortir déjeuner, et dîner léger à la maison.
Achat d’une pendule (on en a vu beaucoup sur le web) dans la boutique à l’angle des rues Kagurazaka et Ookubo. On en choisit d’abord une, chiffres arabes, beau design, mais une fois au mur, avec la lumière du plafonnier, le motif de fond, comme de petites griffures beiges, devient trop vif, nous dérange, sans parler de l’image réduite du plafonnier dans le verre convexe. Heureusement, ça vient d’un magasin du quartier et j’ai payé en liquide ! On téléphone et on peut la changer. Toujours sous la pluie, on y retourne, et on prend une à fond uni, verre plat, chiffres romains allongés et qui, posée, fait merveille. Le temps a changé.
« Voici, Jeanne, ce qui s’est passé lors de notre seconde fuite. Les habitants avaient voté à main levée notre départ sous vingt-quatre heures dans la grande salle de la mairie où Franz avait réussi à s’introduire sans se faire remarquer. Ils avaient montré du doigt, sur une carte froissée, la zone verte, cerclée d’un trait de feutre noir, qu’ils nous avaient concédée à cinquante kilomètres de la frontière. Ils nous avaient laissés partir, non sans avoir procédé à un grand rafraîchissement, selon l’expression en usage pour désigner leurs chasses — Sofia se souvenant de l’odeur d’essence quelques minutes avant qu’on ait mis le feu, pensant d’abord à une fuite, un accident, avant de se raviser quand la clameur s’est rapprochée, une odeur douceâtre, presque sucrée, se souvenant aussi des enfants agglutinés en meute braillarde devant notre maison de bois vide, offrant leur aide, tendant leurs brindilles, leurs papiers enflammés aux incendiaires quand ils n’étaient la veille encore que des voisins et des compagnons de jeu sinon bienveillants du moins ordinaires, ni pires ni meilleurs que les autres enfants, se souvenant de leurs sourires et de leurs yeux brillants happés par le spectacle des flammes qui s’emballaient, léchaient les murs, les dévoraient, engloutissaient la maison mètre par mètre et d’autres maisons encore, se souvenant du ronflement des flammes crevant les fenêtres et roulant sur les toits, des maisons s’affaissant les unes après les autres dans un nuage de braises et d’étincelles, se souvenant de nous qui abandonnions les lieux sans dire un mot et d’eux qui les envahissaient pour les piller puis les détruire, un jerrycan à la main, du beau travail, Sofia se souvenant puis oubliant ou plutôt décidant d’oublier, disant c’est mieux ainsi, on ne peut pas vivre sur un tas de cendres.» (Frédérique Clémençon, Traques, p. 52-53)
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Publié dans le JLR