2009, un taureau dans un neuf !
« Vous donnez des ailes au péché, mais il vole mal…»
Cette phrase est extraite du début de Blanche-Neige de Robert Walser, diffusée en Fiction le 27 dans le cadre du Réveillon chez les Grimm.
Vers 11h30, je vais chez Kayser, où il y a une queue modérée, mais une queue quand même. Je prends divers pains et des croissants aux amandes, leur meilleur article à mes yeux papilles (en revanche, leur chausson aux pommes n’est pas un vrai, il contient un morceau de pomme cuite à la canelle, et non une simple compote légèrement vanillée).
On finit les cartes de vœux dans l’après-midi. J’ai déjà fait les taureaux mercredi dernier, T. s’occupe des adresses, puis, ensemble, des tampons et hankos rituels. Pour certains, j’ajoute le petit nonasyllabe que tout le monde m’envie déjà : « 2009, un taureau dans un neuf ! »
Nous sortirons à la nuit tombante pour les aller toutes poster au bureau principal de Kagurazaka. Quarante-neuf taureaux exactement. Nous n’en avons gardé qu’un, l’asymétrique en chef.
Je change de sujet mais… Quand je repense au chômage qui galope sans entraves, je me dis que la grande victoire du patronat mondialisé, financiarisé et bunkerisé, c’est d’avoir détruit, ringardisé l’idée même du syndicalisme, et ce en médiatisant systématiquement depuis au moins vingt ans tout ce que les dits dirigeants syndicaux avaient de plus ringard.
À la télé, dans les journaux, il est surtout question de cette classe moyenne qui barre en quenouille. Outre la conjoncture, elle est avant tout victime de son absence totale d’organisation solidaire. Et vous pouvez encore les écouter, tous pris un par un, en interview : ils se plaignent mais n’ont aucun regret, aucune conscience même d’une possible entraide.
Eh bien, qu’elle crève, cette classe moyenne ! On verra bien ce qui en sortira. (Et qu’on ne vienne pas me dire que j’en fais partie. Non, définitivement.)
« J’ai déjà raconté comment fonctionne ce bureau. Il s’agit en principe d’un office de placement qui appartiendrait à l’église manichéiste unifiée. Mais, en fait, les domestiques au mois, dames de compagnie ou esclaves diverses, les secrétaires volantes à la journée, les étudiantes faisant du baby-sitting pour la nuit, les call-girls payées à l’heure, etc., sont autant d’agents de renseignement, de rackett ou de propagande, que nous introduisons ainsi dans la société en place. Les réseaux de call-girls, putains de luxe et concubines constituent évidemment nos meilleures affaires, puisque nous en retirons à la fois d’irremplaçables contacts avec les hommes au pouvoir et la plus grande partie de nos ressources financières, même sans compter les chantages éventuels.» (Alain Robbe-Grillet, Projet pour une révolution à New York, p. 56 — Cf. « Onirisme et voyeurisme dans Projet pour une révolution à New York d’Alain Robbe-Grillet » par Ginette Kryssing-Berg, in Revue Romane, 1980 ; voir aussi, librement inspiré de Robbe-Grillet, La Révolution a eu lieu à New York de Grégory Chatonsky, œuvre e-littéraire bilingue de 2002-2003)
Au menu de notre réveillon : champagne Bollinger, bloc de foie gras Rougié (acheté en mai à l’aéroport), salade tomate concombre basilic (achetés tout à l’heure), soupe de légume au poulet, fromage de Brie, clémentines. En regardant A History of Violence (D. Cronenberg, 2005)…
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Publié dans le JLR
Pas eu le temps de l’acheter à l’aéroport, correspondance trop courte, et trop cher ici, le bloc de foie gras Rougié.
Bonne année à vous tous deux! (mais…si on n’appartient pas à la classe moyenne, on appartient à quoi, exactement?
C’était la question à mille francs, pardon, mille ..yens? euros? de notre début d’année…)
Manu, je suis sûr que vous avez trouvé autre chose de bon pour réveillonner !
Salut, Patapon, et bonne année !
Je me pose la même question et me demande si mon refus d’y appartenir n’est pas paradoxalement la preuve que j’en suis… Terrible aporie…
faut il appartenir ? j’ai toujours vécu un rien à cheval, ça donne à peu de frais une impression de liberté
Vous voulez dire appartenir et se tenir à part, en même temps… Oui, c’est mon impression aussi.
On s’est contenté des traditionnelles sobas, car on avait déjà bien fêté notre anniversaire de mariage au déjeuner.