Enseignement, Littérature et Informatique : Former les formateurs (Congrès FIPF, août 1996, Tokyo)

ENSEIGNEMENT, LITTERATURE ET INFORMATIQUE
ASPECTS DE LA FORMATION DES FORMATEURS

Patrick REBOLLAR (Institut Franco-Japonais de Tokyo)
Intervention au Congrès de la Fédération Internationale des Professeurs de Français
Université Keio, 25-31 août 1996


Parcours personnel

Cet atelier est conçu avant tout comme un lieu de réflexion et non comme un espace de démonstration. Il y a assez d’ordinateurs autour de nous pour que chacun s’informe des diverses applications de l’informatique dans le champ de l’enseignement de la langue française ou de la littérature.
Je voudrais aborder divers points à partir de mon expérience personnelle de formation d’enseignants de français au Japon, et tenter de les généraliser pour ouvrir ici même un débat à partir des éventuelles questions ou des expériences d’autres formateurs.
Je rappellerai d’abord brièvement le parcours qui m’a amené à former d’autres enseignants. Lorsque j’ai commencé mon apprentissage en informatique, j’étais étudiant en Lettres Modernes et les quelques personnes intéressées par cette nouvelle tendance faisaient alors figure de doux rêveurs ou d’expérimentateurs pervers. Il a fallu la conviction du Pr Henri Béhar pour que l’université Paris III - La Sorbonne Nouvelle se dote d’un petit parc d’ordinateurs où travaillèrent une dizaine de chercheurs-doctorants. Puis le même Pr Béhar ouvrit un DESS de Nouvelles technologies appliquées aux métiers de la rédaction professionnelle, qui existe toujours à Paris III.
Je commençai alors à enseigner dans le module informatique de ce DESS et nous avons dû tout de suite inventer de nouvelles attitudes devant les étudiants, proposer à tâtons une proxémique qui convienne à ces objets jusque là absents des classes: les ordinateurs. Nous étions 3 ou 4 enseignants en même temps dans la classe, chacun proposant à tour de rôle une démonstration ou un scénario d’activité pendant que les autres assistaient les étudiants devant les machines. Je reviendrai tout à l’heure à cette topologie de la classe.
Je savais qu’en France ce genre d’expérience était rare, tout au moins dans le domaine flou des sciences molles dont la langue et la littérature font partie. En arrivant au Japon, je découvris que rien de tout cela n’avait traversé les mers. En dehors des préparations de cours personnelles, c’est-à-dire de documents réalisés avec un logiciel de traitement de texte, j’utilisais à l’occasion des résultats d’indexation lexicométrique dans un cours de maîtrise-doctorat, mais on me fit comprendre plusieurs fois que cela n’était pas sensé faire partie de mon enseignement. Les étudiants-chercheurs n’accrochaient d’ailleurs pas beaucoup. Je pensais qu’il devait y avoir d’autres personnes dans mon cas. Mais comment les trouver? Aucun réseau, informatique ou autre, ne nous permettait de nous rencontrer. Pour utiliser Frantext, la banque de textes du CNRS (qui contient plus de 3000 oeuvres intégrales) je devais alors utiliser une connexion directe avec la France, ce qui coûtait cher.
Tout changea 2 ans plus tard, vers 1994, par une conjonction de causes diverses. L’une de ces causes fut l’ouverture du réseau Internet, lorsqu’il apparut qu’il était fiable, efficace et peu coûteux. Une autre fut une série de décisions émanant des autorités japonaises: le Ministère de l’enseignement japonais, le Monbusho, donna la priorité à la communication comme nouvelle attitude pédagogique, tandis que le gouvernement décidait de soutenir l’expansion et l’utilisation tous azimuts du réseau Internet.
Une autre cause, plus déterminante pour moi, fut une proposition émanant de l’Ambassade de France et qui me proposait d’animer un atelier d’informatique sur la langue et la littérature dans un stage de formation de professeurs japonais. Cette Université d’été de Shiga-Kogen, station alpestre à 4 ou 5 heures de Tokyo, fut un tournant. Pour moi comme pour les organisateurs. Mon groupe de recherche de Paris III, Hubert de Phalèse, dirigé par le même Henri Béhar, me prêta tous les logiciels nécessaires en version française, tandis que les organisateurs prenaient le risque d’investir dans une location de matériel (6 ou 7 ordinateurs) dont personne ne savait si ça marcherait, pas même moi en vérité...
J’insiste sur ces incertitudes et ces prises de risques car elles sont déterminantes dans tous les établissements.
Nous venons de finir la troisième Université d’été de Shiga-Kogen avec ordinateurs et l’on peut s’accorder sur un bilan positif. Les stagiaires sont de moins en moins réticents pour utiliser les machines et apprendre à comprendre les logiciels, tandis que les autres animateurs savent profiter pleinement de ce matériel pour y faire travailler aussi les stagiaires. Il faut préciser que ces stagiaires sont des enseignants de français qui viennent de tout le Japon, qu’ils ont entre 30 et 50 ans, et que plus d’un tiers d’entre eux ne se sont jamais approchés réellement d’un ordinateur avant d’arriver à Shiga-Kogen.
Pour en finir avec ce parcours, j’ajouterais que depuis un an, les responsables pédagogiques sont sensibles aux propositions de cours qui intègrent l’ordinateur, en accord avec leur administration qui fournit et installe le matériel. J’ai donc pu donner des cours où les étudiants manipulent directement les machines, à l’Institut Franco-Japonais de Tokyo et sur un autre campus de l’Université Keio qui nous accueille ici (le campus Shonan Fujisawa).

Du parcours aux cours

A travers ce parcours, toutes les données du problème de l’informatique appliquée sont posées:
Les enseignants ont la tâche de préparer les étudiants et les futures générations pour qu’ils s’intègrent positivement dans la société qui leur est contemporaine, et, si possible, qu’ils anticipent les transformations. Encore faudrait-il que ces enseignants soient eux-mêmes des observateurs valides, voire des acteurs de ces transformations. Ils doivent pour cela se former eux-mêmes, s’ils le peuvent, ou être formés par d’autres.
Or le travail du formateur doit se matérialiser dans toutes ces dimensions en même temps. Si l’une manque, comme je vais tenter de le montrer, son travail ne peut être efficace. Je vais donc reprendre chaque dimension et essayer de montrer quelle est la place et le travail du formateur, ainsi que les problèmes contextuels qu’il rencontre et les façons d’essayer de les résoudre.

1. La dimension sociétale

La dimension sociétale apparaît à travers les changements de mode de vie et se trouve particulièrement visible dans les médias et dans le langage de tous les jours.
Quelques exemples :
On ne va pas multiplier les exemples. Il en résulte que le spectateur ne peut qu’être influencé par ce type de messages, et être amené à se demander si l’ordinateur ne pourrait pas lui devenir indispensable; il pourra alors, en en faisant l’acquisition et l’apprentissage, marier l’utile à l’agréable. Il peut se dire d’ailleurs que si l’ordinateur est une mode, cela intéresse beaucoup de monde, mais que si ce n’est pas une mode, c’est alors bien plus grave, car cela concerne tout le monde...
Il y a ainsi tout un climat qui prédispose les potentiels apprenants, alors qu’ils auraient été rétifs il y a seulement deux ans, malgré un certain nombre de messages négatifs. Et certains de ces apprenants sont aussi des enseignants...
L’une des tâches du formateur est d’observer ces tendances médiatiques, en même temps qu’il suit l’évolution des matériels et des logiciels. C’est-à-dire qu’il se soumet le premier à une auto-formation sauvage à laquelle il doit obligatoirement consacrer une partie de son temps. Cette auto-formation ne figure à aucun titre dans ses contrats de travail, mais elle est indispensable car dans le cas contraire, il risque de ne plus être à jour et de ne plus remplir sa mission.
A partir de toutes ces données le formateur doit essayer de prévoir les contenus qu’il va enseigner, choisir les moyens de les médiatiser sous forme d’exemples et d’activités pédagogiques. Il doit aussi se donner les moyens techniques de mettre en oeuvre ses préparations, plus particulièrement en les demandant à ses supérieurs et à son administration qui ne sont généralement pas d’accord – c’est la dimension suivante...
Lorsque le formateur parvient à ses fins, ou lorsqu’il prend son poste dans un endroit équipé, plus de la moitié de son travail est déjà fait.

2. La dimension structurelle et administrative

Comme la précédente, la dimension structurelle et administrative est surtout déterminante dans l’avant-programmation des cours de formation. Pour reprendre les informations que je donnais tout à l’heure sur l’impulsion du gouvernement japonais en 93 ou 94, on peut dire, je crois, que sans cette impulsion, beaucoup d’administrations universitaires n’auraient pas obtempéré devant les exigences informatiques des sections scientifiques.
Beaucoup d’universités sont maintenant équipées, plus ou moins bien. Certaines ont un réseau interne, lui-même relié au réseau Internet. Certaines ont proposé des ordinateurs individuels aux professeurs, d’autres ont favorisé les médiathèques où des centaines d’étudiants en même temps viennent travailler par eux-mêmes. Pour les chercheurs et les professeurs, l’entrée en informatique se fait le plus souvent par la rédaction d’articles et de travaux, ainsi que par la consultation de catalogues de bibliothèques.
Cependant, dans le domaine des langues et des lettres, il y a très peu de cours relatifs aux services rendus par l’ordinateur (qu’il s’agisse de rédaction de texte, de documentation par réseau ou CD-Rom, ou d’applications particulières comme la phonétique ou la lexicométrie), et encore moins de cours où l’on se sert directement de l’ordinateur. La raison en est fort simple: les professeurs ne savent pas s’en servir, ou ils ne savent pas comment organiser leur cours. Mais sont-ils tous pour autant des arriéristes, ennemis du progrès? Certainement pas. La cause en amont, c’est que personne ne les a prévenus des transformations, et que l’administration ne leur a pas proposé d’apprentissage complémentaire, car les grilles de personnel et d’emploi du temps ne contiennent pas de place pour la formation continue des enseignants. Ils essaient donc tout seuls, dans leur bureau ou à la maison, y arrivent parfois mais avec un retard sur certains étudiants, ce qui leur octroie une image négative.
Si l’on peut dire globalement que l’introduction de l’informatique dans les classes intellectuelles de nos sociétés est une catastrophe qui dure depuis quinze ans, en France comme au Japon, il faut se rendre compte que cela n’est pas encore fini. Certaines sections universitaires de français ou de littérature française – je ne citerai personne – bannissent l’ordinateur, comme on interdisait il y a vingt ou trente ans la lecture de Barthes et de Genette à la Sorbonne. Mais que vont devenir les étudiants qui sortiront de ces sections lorsqu’ils affronteront sur le marché du travail ceux qui sortiront du campus de Keio à Fujisawa?
Dans la majorité des établissements, il n’y a pas de formateur et les sections françaises laissent aller l’équipement et la formation au gré des besoins de la bureautique administrative, des dotations inattendues, et des expériences de quelques jeunes professeurs ou chercheurs qui développent des projets sans objectif communautaire, sans contrôle et sans coordination. Lorsqu’un professeur donne des cours informatisés, ce qui est fort rare, il n’a aucune mission de formation continue à l’intention de ses collègues. Or c’est plus qu’un simple problème d’emploi du temps, il faut commencer par remettre en question l’organisation générale de l’établissement et les relations entre les professeurs pour que ceux-ci acceptent la formation continue ou y soient contraints.
A l’intérieur de la structure de l’établissement, le formateur en informatique appliquée devrait être un conseiller. Il devrait faire des propositions concertées en terme de type de matériel, de quantité, de préparation des machines, de nombre d’heures de cours, de disposition des machines dans la classe, de présence ou non de vidéo ou d’autres outils de visionnement collectif. Il faudrait pour cela qu’il ait l’autorité de suggérer ou de se faire obéir. Mais combien sont les professeurs qui possèdent en même temps ces connaissances, cette curiosité et cette autorité? C’est un peu le problème de l’oeuf et de la poule...

3. La dimension psychologique

Pour découvrir la dimension psychologique, approchons-nous de l’apprenant lorsque celui-ci est aussi un enseignant. Nous nous plaçons dans le cas où celui-ci participe à une formation continue. Il faut d’abord s’interroger sur les raisons de sa présence. Ce serait l’occasion de faire une typologie des apprenants, quelques grandes classes suffiront:
Lorsque les enseignants-apprenants sont dans la classe, la situation devient plus complexe, et en partie incontrôlable. Leur habitude professionnelle est d’épier chez l’étudiant les marques d’intérêt ou de lassitude pour moduler la vitesse et l’intensité de leur activité pendant la classe. Mis eux-mêmes en position d’élèves, ils vont chercher à jauger l’enseignant qu’ils ont en face d’eux. Cela leur fait perdre une partie de leur acuité à comprendre le contenu de la formation, et le formateur le remarque très bien.
Le formateur doit être conscient de cette sorte d’affrontement oculaire, qui devient parfois verbal, pour le déjouer et, si possible, transformer cette énergie négative en animation de la classe. Ce n’est pas un détail marginal, c’est une donnée psychologique intrinsèque de la formation de formateurs.
Par ailleurs, les apprenants les plus difficiles à former sont ceux qui se cachent. L’une des façons les plus efficaces de se cacher est la prise de notes excessives. Tout ce qui se passe au présent est consigné et remis à un futur qui exclut le formateur et la machine. Contre cela, une seule solution, leur mettre directement une main sur la souris et l’autre sur le clavier...
Autre problème d’ordre psychologique: il arrive souvent que le formateur de formateurs, en informatique appliquée ou dans d’autres disciplines spéciales, soit plus jeune que ses apprenants. Il est nécessaire que tous les participants se présentent et déclinent leurs positions hiérarchiques. Un subtil jeu de niveaux s’établit naturellement, sorte d’autorégulation d’un système complexe, dans lequel le formateur doit se considérer comme un des éléments, et non comme le chef (à la limite, certains participants le considèrent comme tel, mais ce n’est nécessaire que pour eux). Par la suite, si l’atmosphère se détend, comme cela arrive généralement, le formateur doit continuer à répondre à toutes les objections et critiques, les susciter même, pour mettre à jour les déséquilibres entre apprenants et les éventuelles carences de son enseignement.
La présence des machines, si elle est bien gérée, n’entraîne que peu de différences psychologiques, contrairement à ce que l’on pourrait attendre. Pour cela, le formateur peut éviter de montrer de façon évidente sa maîtrise de l’outil. Il peut même éviter de s’en servir! Il doit alors passer par la verbalisation de toutes les procédures. On évite ainsi le mimétisme improductif qui consiste à regarder un écran central puisque les apprenants doivent intellectualiser toutes les opérations, et les comprendre comme les étapes d’un processus si le formateur s’exprime clairement.
Comme on le voit, la dimension psychologique consiste essentiellement à banaliser la présence matérielle de l’ordinateur pour valoriser sa productivité. Les apprenants doivent en arriver à le considérer comme un potentiel de résultats utiles plutôt que comme un ensemble de contraintes d’apprentissages et de tracas techniques. Sans pour autant cacher ces contraintes et ces tracas: les difficultés doivent être considérées par eux comme des opérations annexes et temporaires. Pour cela il est nécessaire qu’ils perdent le stress lié à la possibilité d’échec ou de perte de document, c’est-à-dire qu’ils comprennent comment ces problèmes peuvent arriver et être résolus. On en arrive ainsi à l’organisation des contenus qui est la dimension pédagogique du travail du formateur.

4. La dimension pédagogique

Pour former les enseignants, j’ai choisi personnellement de miser beaucoup sur les apprentissages de base, sans aller pour autant jusqu’à percer des cartes et souder des transistors. La maîtrise du système d’exploitation de l’ordinateur est le premier objectif, elle ôte une partie du stress des utilisateurs en leur permettant à tout instant de savoir ce qui se passe car rien ne gêne plus un enseignant que de se penser incapable de résoudre une panne ou de faire face à un imprévu. Pour qu’il évite de paniquer ou d’aggraver la situation, il doit analyser froidement et s’en sortir tout seul – sinon il perd, en plus du temps et des documents en cours, la considération des étudiants...
La maîtrise du logiciel de traitement de texte est le second objectif, car une grande partie du travail est rédactionnel ou passe par l’intégration d’éléments multimédia dans un document de texte.
Les apprenants travaillent par deux sur chaque poste. On réalise d’abord des activités synchronisées destinées à acquérir les connaissances de base de chaque fonction, corrigeant ici ou là les erreurs de manipulation en les commentant pour tous. Puis je propose une activité à réaliser librement par binômes: rédiger, mettre en page, enregistrer, copier, etc. Je passe alors successivement près de chaque équipe pour surveiller le respect des consignes et corriger les erreurs.
J’évite donc de parler tout de suite de CD-Roms avec des peintures du Louvre, de logiciels d’apprentissage du français langue étrangère. Mais lorsqu’on en arrive aux outils de documentation, qui contiennent généralement leur propre programme de guidage, je laisse la découverte se faire pour chaque binôme avec un CD-Rom différent et je demande ensuite aux équipes de s’échanger les disques et les informations relatives à l’exploitation. Ainsi ils doivent tout de suite conceptualiser le fonctionnement du programme, ce qui leur donne une distance critique.
Pour le réseau Internet, on constate qu’il tend à reproduire de façon délocalisée et gigantesque le système d’exploitation de la machine (répertoires, échanges d’informations, services, etc.). Il peut donc être abordé très rapidement. Les activités sont différentes selon que l’on dispose d’une seule ligne téléphonique pour tous ou d’une liaison indépendante sur chaque machine (ce qui est le plus intéressant, mais nécessite une installation permanente en réseau).
Il faut d’ailleurs souligner la différence entre le CD-Rom et le réseau Internet car c’est plus qu’une différence de support. Le CD-Rom est très utile, mais il est un produit de l’industrie éditoriale, ce qui signifie que son contenu est nécessairement contrôlé, bridé et balisé dans un but tout de même assez commercial. Par contre le réseau Internet peut être considéré comme une banque de données contributive de tous les domaines possibles et imaginables. Chacun y dispose les informations qu’il souhaite et échange des opinions avec des collègues distants et inconnus. Son contenu est à peu près incontrôlable, malgré les bornes légales que les Etats essaient maintenant de poser.
De temps en temps, sous forme de pause entre les activités pratiques, je propose un point technique afin de faire comprendre comment ça marche, qu’il s’agisse des pistes magnétiques d’une disquette, des interfaces entre l’unité centrale et les périphériques, ou de la structure du réseau Internet. Ce n’est pas très utile pour l’utilisation, mais cela satisfait la curiosité et répond parfois à des problèmes rencontrés lors des manipulations.
Dans l’ensemble des activités, je propose presque toujours la manipulation directe, la discussion instantanée et l’entraide entre les apprenants. Ce sont les sources de l’auto-apprentissage et les meilleures façons d’acquérir l’aisance et la distanciation qui seront nécessaires lorsque les enseignants-apprenants seront eux-mêmes devant d’autres étudiants. Très rapidement l’énonciation des actions à faire et des processus à observer se réduit et devient une émission de consignes.
Comme je l’ai déjà dit et en particulier pour la formation des formateurs, j’évite d’utiliser moi-même l’ordinateur en permanence et de focaliser l’attention des apprenants sur une seule machine. A fortiori, j’évite la projection vidéo ou la rétro-projection sur écran. Dans ces cas, le travail fait à l’écran devient un spectacle et l’apprenant n’imagine pas tout de suite qu’il pourrait en faire autant. C’est une évidence, mais pour qu’il agisse, il faut lui donner l’outil. Par contre je me déplace sans cesse dans la classe, conseillant ou questionnant à chaque poste en fonction des problèmes rencontrés. C’est la méthode testée dans le DESS de Paris III dont je parlais au début.

Conclusion

Quels que soient les apprenants, l’enseignement de l’informatique appliquée à la langue et à la littérature provoque la dématérialisation de l’axe traditionnel formateur-apprenant. Cet axe se traduisait par la focalisation des apprenants sur le formateur et par la standardisation d’un contenu donné pour tous. Il se transforme en une relation réticulaire.
Cette réticularité relationnelle est plus complexe à gérer pour le formateur mais elle ouvre sur une productivité accrue des apprenants du fait de leur relative indépendance et de la pluralité des activités localisées. Cette technique de classe demande également une préparation plus importante puisqu’il faut souvent configurer spécialement certains logiciels et prévoir des scénarios d’activités. Par contre le formateur est souvent plus à l’aise dans ce type de classe, s’il en maîtrise le fonctionnement, car il n’est pas en permanence face à l’ensemble de ses apprenants, dont il n’est plus non plus le point de mire.
D’une façon globale, pour terminer, le travail du formateur de formateurs en informatique appliquée est moins dense pendant la classe mais il se diversifie en une grande quantité de tâches préalables impliquant les quatre dimensions dont j’ai parlé, sachant que la dimension structurelle est sans doute la plus déterminante.
Pour les dirigeants des établissements comme pour les structures administratives et associatives, il conviendrait donc d’aménager des espaces et des temps de formation adaptés à ces besoins nouveaux.
Comme les matériels coûtent cher, en acquisition et en entretien, je me permettrais de suggérer la création de formations prises en charge collectivement et faisant jouer à la fois des partenaires universitaires, institutionnels, ainsi que des sponsors. C’est la direction prise par l’Université d’été de Shiga-Kogen ainsi que par l’Institut franco-japonais de Tokyo. Et puisque la langue française et la volonté d’efficacité sont partagées par ces apprenants spéciaux que sont les professeurs de langue et de littérature françaises, on pourrait même se prendre à rêver d’une communauté plus internationale, impliquant par exemple les pays proches du Japon dans un premier temps, pour organiser des formations qui pourraient se continuer grâce au courrier électronique et aux sites Web des établissements et des personnes.

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