Anne Roche, « Volodine, d’une culture à l’autre : l’intertexte russe », [intervention au colloque] « Industrie de traduction dans les activités éducatives, professionnelles et de recherche », organisé par la Faculté des Sciences humaines de l’Université polytechnique nationale de recherche de Perm [Russie], 10-12 février 2012. À paraître.
- Texte mis en ligne avec l’autorisation de l’auteur.
Pour mémoire :
« Antoine Volodine » est le pseudonyme russe d’un écrivain français, qui a décidé, selon ses propres termes, d’ « écrire en français une littérature étrangère[1] ». Étrange et étrangère, cette littérature entretient en particulier des rapports privilégiés avec la Russie, et cela de diverses manières. Tout d’abord, Volodine, qui a vécu en URSS, a traduit du russe plusieurs auteurs contemporains (Viktoria Tokareva, les frères Strougatski, Alexandre Ikonnikov, Edward Limonov, Maria Soudaieva…), et a également adapté, en littérature « Jeunesse », la forme épique russe des bylines, sous la signature d’Elli Kronauer[2]. La littérature russe classique, et l’histoire de la Russie, plus particulièrement au XXe siècle, irriguent toute son œuvre, même si d’autres aires géographiques et historiques (l’Allemagne, l’Extrême-Orient) y sont également présentes.
Pourtant, un premier contact entre l’œuvre et certains lecteurs russes, à l’occasion du colloque organisé à Moscou en avril 2006 par Frédérik Detue et Ekaterina Dmitrieva, semblait peu prometteur. Certaines discussions firent apparaître une incompréhension de l’œuvre, ce qui il est vrai peut s’expliquer par sa relative difficulté. C’est ainsi que Nadia Buntman, au terme d’une analyse précise des « plans narratifs » du texte volodinien, concluait : « Outre les présuppositions et le jeu avec un sens implicite, Antoine Volodine recourt souvent aux constructions elliptiques pour dérouter les lecteurs ; parfois, il est même tout à fait impossible de retrouver les éléments absents, et tout se passe comme s’il n’y avait qu’un cercle très restreint d’initiés, de happy few, qui pouvait connaître la suite logique. […] La clef qu’on serait tenté d’aller chercher ne sera pas la bonne, le texte ne s’ouvrira pas[3]. » Faut-il en rester à ce constat d’échec ? Il nous semble que non, et ce d’autant plus que l’intertexte russe se révèle ici d’une grande pertinence. En effet, faisant étudier les œuvres de Volodine à des étudiants français, j’ai souvent constaté que l’un des obstacles à la compréhension de l’œuvre résidait, entre autres, dans leur ignorance de l’histoire et de la littérature russes. C’est donc tout un chantier qui peut s’ouvrir là pour les chercheurs russes, une véritable entreprise de littérature comparée qui mérite d’être lancée.
Avant toutefois de présenter quelques-uns des liens de l’œuvre avec la culture et l’histoire russes, il est nécessaire de souligner que l’auteur lui-même prend soin de démarquer son œuvre, à la fois de la littérature française, mais aussi de toute « culture nationale » quelle qu’elle soit. Il rappelle tout d’abord que la langue française est porteuse de bien d’autres faits culturels que ceux de l’hexagone : « Le français littéraire est lui aussi la langue du “Livre des morts tibétain”, la langue de Pouchkine, la langue de Li Bai : autrement dit, une langue qui porte des cultures, des philosophies, des préoccupations poétiques et littéraires qui n’ont rien à voir avec les habitudes de la société française et de l’univers francophone. […] J’ai eu pour souci d’écrire mes livres dans cette langue de traduction[4]. » Mais il ne lui suffit pas de se démarquer de la francophonie, son projet est plus radical : « Pour moi, écrire en français une littérature étrangère n’est pas seulement s’écarter de la culture francophone, c’est aussi éviter que les points de référence de la fiction renvoient à un pays précis, géographiquement situé sur une carte. Je cherche à explorer et à représenter une culture non pas relativement, mais ABSOLUMENT étrangère[5]. »
Dans la suite de cette conférence, qui constitue une sorte d’Art poétique et qui, vingt ans après, reste un principe auquel l’œuvre est fidèle, Volodine s’explique sur les modalités qui lui permettent de brouiller les repérages des noms de personnes, des lieux, des événements historiques : nous aurons à y revenir. Mais signalons dès maintenant une référence majeure qui attire notre attention vers une histoire bien marquée du siècle : « Lénine prophétisait “un siècle de guerres et de révolutions”. C’est bien là que s’abreuve la mémoire de mes personnages. Lénine ne s’est pas trompé dans sa prédiction, mais il a été trop optimiste. […] Aux guerres et aux révolutions se sont superposés les massacres ethniques, la Shoah et les camps : camps de concentration, camps de travail, camps de rééducation, camps de réfugiés, et j’en passe. […] Le XXe malheureux est la patrie de mes personnages, c’est la source chamanique de mes fictions, c’est le monde noir qui sert de référence culturelle à cette construction romanesque[6]. » Pouchkine et Lénine : deux indices, certes bien différents, mais qui auraient suffi à susciter l’enquête et à la légitimer, s’il n’y en avait pas une multitude d’autres dans l’œuvre et dans l’activité de traducteur de Volodine.
L’auteur lui-même ne manque pas d’affirmer l’importance de la référence russe pour sa création. Dans un entretien avec Jean-Didier Wagneur, il précise : « « Pendant une vingtaine d’années, tout en m’intéressant avec passion à d’autres littératures (dont la littérature française, tout de même), j’ai voyagé à l’intérieur des œuvres russes et soviétiques. […] La Russie ne m’a jamais vraiment fasciné, ce qui me fascinait, en fait, c’était la Russie soviétique, la culture soviétique russe, avec sa dimension folklorique russe et ukrainienne, ses sonorités artistiques épiques, populistes, submergeant toute activité culturelle, et, bien évidemment, avec sa dimension politique, dans sa variante Octobre 17 et communisme de guerre : jamais je n’ai éprouvé la moindre sympathie pour le stalinisme, mais, même ensuite, même sous Brejnev ou Andropov, il y avait des miettes qui rappelaient cette période héroïque. J’appréciais ces miettes. Elles ont certainement été mises en scène dans mes livres[7]. » C’est dire l’amplitude et la variété de la référence, ce qui exigera des futurs exégètes un travail pluridisciplinaire ! Dans le cadre de cette communication, je me contenterai d’esquisser quelques pistes, en espérant susciter des vocations. Je laisse en particulier de côté tout le travail sur le lexique, qui demanderait une compétence que je n’ai pas[8], et je me concentrerai sur ce qui touche à l’histoire[9] et à la littérature.
De façon générale, l’œuvre de Volodine entretient des relations serrées avec les événements du XXe siècle : le fascisme et le nazisme dans Alto solo, les souvenirs du nazisme et la révolution des œillets au Portugal dans Lisbonne dernière marge, les guérillas d’Amérique latine dans Le nom des singes… Mais tous ces événements sont insérés dans une logique globale, une certaine vision de l’histoire, vision dans laquelle la révolution russe de 1917 constitue un point focal. Cette vision dicte également l’économie générale des livres : dans chacun d’eux, il y a un pouvoir en place, de type dictatorial, et des opposants. Ces derniers sont les héros des romans, survivants d’une défaite, ou clandestins qui luttent contre les dominants, dans des conditions souvent dramatiques ; dans tous les cas, ce sont des militants, des « engagés écrivains » selon l’expression de Volodine qui détourne le syntagme usuel d’ « écrivains engagés ». Même isolés, même vaincus, ils ont le sentiment d’appartenir à une cause plus grande qu’eux. Donnons un seul exemple de cette attitude avec le personnage de Kominform, protagoniste de Bardo or not Bardo[10] : « « Il n’avait pas adhéré au communisme pour la frime, il n’en avait pas défendu les principes pour faire l’original dans les prisons. Ce n’était pas un homme du genre à sangloter en face de la mort[11]. » Plus loin il est défini comme « un égalitariste radical, poursuivi par toutes les polices du monde depuis que le monde est exclusivement capitaliste[12]. » Même à l’agonie, il refuse de renier ses convictions et en particulier de révéler la moindre information à celui qui lui affirme que la lutte révolutionnaire est terminée.
Cette première approche des textes peut offrir au lecteur russe des références, ou, comme l’écrit l’un des traducteurs russes de Volodine, Valéry Kislov, des « jalons » :
« Plusieurs textes post-exotiques, dans leur traduction française en tout cas, fournissent au lecteur russe réceptif des points d’appui, des « jalons » ou des « zones » entiers de reconnaissance, ceci à tous les niveaux et à tel point qu’il ne doit pas se sentir vraiment dépaysé. […]La familiarité et même la connivence pourraient naître du rapprochement de ce qui semble commun : thèmes (censure, persécutions, camps, prisons, perte d’idéaux, d’identité et de repères), points de vue (préférence donnée au communautaire au détriment de l’individuel), structure narrative (témoignage, confidence, aveu), discours (utopique, messianique, emphatique) ou vocabulaire (hybride et polysémantique). […]Ce qui nous intéresse ici, ce sont des micro-références à tout ce qui est russe au niveau lexical, la manière dont ces « renvois », tantôt manifestes, tantôt dissimulées, fonctionneraient dans le contexte russe, mais aussi la réaction du lecteur russophone.[13] »
De fait, comme le souligne Kislov, nombre de livres de Volodine pourraient être lus comme autant de fresques révolutionnaires, mais d’un type bien particulier, et qui n’a rien à voir avec les romans de l’époque du « réalisme socialiste ». Si certains personnages maintiennent le langage des slogans révolutionnaires, ceux-ci sont proférés dans un contexte qui les rend dérisoires (c’est le cas du discours de Varvalia Lodenko dans Des anges mineurs[14], ou des tracts et affiches dans Un navire de nulle part[15]) ou tragiques :« La révolution était morte une fois de plus et même très morte…[16] » Souvent, le révolutionnaire d’hier devient l’oppresseur d’aujourd’hui, le torturé devient bourreau (Vue sur l’Ossuaire[17]), ou les rôles s’échangent de façon quasi rituelle, comme dans la séance d’autocritique au début de Songes de Mevlido[18]. Peut-être d’ailleurs faudrait-il étudier l’évolution de l’œuvre dans son rapport à l’histoire. En effet, dans les premières œuvres, certains personnages sont des révolutionnaires, qui luttent, qui espèrent, même dans des situations apparemment désespérées. En revanche, dans les dernières œuvres, les « rêveries égalitaristes » sont dépourvues de sens. Les commémorations de 1917 sont des cérémonies creuses qui se terminent dans le sang[19], ou des hommages désolés aux victimes des grandes purges de l’époque stalinienne[20] . Dans Onze rêves de suie, les personnages préparent une fête appelée la bolcho pride ; un terme évidemment forgé par Volodine, sur le modèle de la Gay pride, mais ici gay est remplacé par bolcho, abréviation affectueuse et un peu désuète de bolchevik, la fabrication même du syntagme indiquant quelque chose de marginal, à la fois sympathique et inoffensif. « La bolcho pride était en général interdite[21] » mais la police la tolère, en raison du nombre des manifestants, et surtout parce que les autorités les considèrent « comme des vestiges inoffensifs […], fossilités, naphtalines et ridicules», enfin pour évaluer l’état de leurs forces. Cette manifestation est à la fois festive et passéiste : les enfants y participent, déguisés en Dzerjinski ou en Tchapaïev, avec des moustaches dessinées au charbon et de pauvres chapkas en chiffons. Mais elle se termine tragiquement : après que les accessoires de la fête ont été détruits par des inconnus hostiles – la manifestation ne serait donc pas si dérisoire ? – les jeunes participants sont piégés dans un hangar où ils brûlent vifs.
Dans l’un des trois livres publiés en 2010, Écrivains, le dernier chapitre, « Demain aura été un beau dimanche », met en jeu l’investigation tragique d’un personnage dans un passé qui n’est pas tout à fait le sien, mais qui coïncide avec le jour de sa naissance : Nikita est né un dimanche, le 27 juin 1938, et sa grand’mère lui a raconté que les cloches sonnaient à toute volée pendant que sa mère mourait d’une hémorragie. Récit maintes fois répété au fil des années, où la grand-mère dans une anaphore burlesque juxtapose « les cloches des popes, les cloches des réactionnaires orthodoxes » et « les cloches des trotskistes »[22] ! En grandissant, Nikita finit par douter de l’exactitude de ce récit, et au terme d’une enquête qui dure autant que sa vie, il découvre que les « cloches » de sa grand’mère étaient l’écho des fusillades de la répression, masquées par ce souvenir-écran. A la suite de cette découverte, il se suicide. L’auteur nous a confié à propos de ce dernier texte avoir travaillé sur le site russe « Memorial » pour la liste des fusillés du 27 juin 1938 à Boutovo[23].
Toutefois, ces motifs historiques et politiques ne font pas l’objet d’un traitement réaliste au sens habituel. Volodine procède au contraire à un télescopage complexe de plans de réalité et de fiction. Ce mélange est une des caractéristiques de son œuvre, c’est ce qui lui donne son empreinte d’indécidabilité et fait partie de ses stratégies d’écriture pour décaler la réalité historique. Prenons encore un exemple dans Bardo or not Bardo, dans l’histoire du soldat Glouchenko[24]. Le soldat mort ne se sait pas mort, il en refuse même l’idée. Dans l’espace noir du Bardo, où d’après le Livre des morts tibétain le mort récent doit errer quarante-neuf jours avant de renaître (ou non), Glouchenko, privé de repères, se cramponne à la conviction que ses camarades lui font une farce de mauvais goût, il les interpelle, les supplie, les insulte. Or le texte, déjà comique par ce décalage entre la situation du soldat et la méconnaissance qu’il en a, juxtapose en outre de façon cocasse deux univers : celui du Bardo (évoqué dans un texte de tradition ancienne, spiritualiste, à visée intemporelle) et un monde moderne où il y a l’électricité (sauf quand elle est coupée), le téléphone (qui marche, mais pour vous mettre en communication avec un autre mort : d’ailleurs le soldat se fâche quand il entend la voix d’un copain tué peu avant, il croit toujours à une mauvaise farce). Mais ces effets comiques sont là pour neutraliser – ou en tout cas décaler – le fait brutal que nos deux soldats sont morts dans une sale guerre (coloniale). D’après leurs noms, ils sont russes ou ukrainiens, ça pourrait se passer en Tchétchénie, en Ingouchie, en Afghanistan…
Autre exemple de ce traitement décalé, la thématique antiraciste. C’est un des traits essentiels de l’œuvre, présent dès le début, mais il n’est pas traité comme dans les textes d’Ernest Gaines ou de James Baldwin. Dans les premiers romans, classifiés en « science-fiction », les persécutés peuvent être des oiseaux ou des mutants, en tout cas ils sont « autres », différents : « soi-disant qu’une loi les protège [les mutants], soi-disant qu’une fois adultes ils sont inoffensifs comme des animaux d’appartement. Mais suppose que j’aime pas les bêtes, loi ou pas. / Remarque bien que si la loi les protège, c’est pas nous qui nous chargerons officiellement du nettoyage. Pas la milice. On nous ordonnera rien. C’est pas pour ça que le nettoyage aura pas lieu[25]. »
Par la suite, les humains persécutés peuvent l’être pour leur engagement politique (Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze[26]), pour leur activité littéraire (Lisbonne dernière marge[27]) ou simplement pour leur appartenance ethnique. Ce dernier point, déjà présent dans les premiers romans sous forme métaphorisée, se précise à partir de Dondog, où l’ethnie-cible est dénommée « Ybür ». Leur extermination détermine le calendrier interne du texte : « C’était il y a cinquante ans. […] La mère de Dondog et Yoïsha ont été capturés et tués lors de la deuxième extermination des Ybürs[28]. » Le signifiant « Ybür » peut être rapproché du signifiant « Hébreu », d’autant que les massacreurs appartiennent à la « Fraction Werschwell » et que ce dernier signifiant, allemand, pointe vers le nazisme. Mais Volodine précise dans une interview qu’il a pris soin de brouiller les pistes pour qu’on ne puisse pas identifier un génocide précis. Le terme « Ybür » fait retour plus loin dans l’œuvre, ainsi dans une des nouvelles d’Onze rêves de suie intitulée « Mes parents ». La Mémé Holgolde dirige un service de réinsertion des « assassins de personnalités et de mercenaires ennemis » : le père du narrateur en a bénéficié, et tient un petit atelier de réparation. La mère, qui doit livrer à cet atelier des pièces détachées, est agressée par des activistes de la fraction Werschwell (elle est ybüre « et cela se voyait [29]») ; elle se défend, le père intervient et tue les deux Werschwell, ils jettent les corps dans le canal, et jettent aussi les pancartes qui les stigmatisent comme ybür. « C’est alors que mes parents ont décidé de s’unir[30]. » L’histoire ici finit bien, du moins pour l’instant, pour les deux personnages, mais au plan collectif il en va différemment. En effet, l’égalitarisme a été impuissant à empêcher la guerre et l’extermination de la race différente :
« Tout de même , je n’arrive pas à croire que la révolution, même très dégénérée, ne réussisse pas à prévenir un deuxième massacre des Ybürs.
– La révolution ? […] Où tu as vu une révolution ? »[31]
C’est dire qu’à tout moment, le lecteur est confronté à une sorte de dédoublement entre le substrat historique et politique, toujours présent dans l’œuvre comme une sorte d’ostinato, et les harmoniques d’imaginaire qui viennent s’y superposer, pour filer la métaphore musicale. Dédoublement qui reflète peut-être les ambiguïtés ou les déchirements intérieurs des personnages, sinon de l’auteur, vis-à-vis de l’espoir révolutionnaire. Ainsi, dans Onze rêves de suie, Marta Ashkarot discute avec Irina Wu, qui cherche à rejoindre le Détachement féminin rouge. Marta exprime son scepticisme, mais « elle enviait cette capacité de l’autre à ne pas reconnaître la catastrophe, à en amoindrir tous les aspects, et aussi à considérer que parler d’avenir sur un ton négatif revenait à trahir le Parti, à renier les traditions et les théoriciens du Parti, et surtout à mépriser les milliards d’humains qui avaient autrefois placé leurs espoirs dans l’égalitarisme[32]. » Rien que d’assez banal dans cet échange sauf que Marta est une éléphante douée de parole, ce qui permet d’inscrire ses réflexions dans le domaine du rêve, de la fantaisie, et peut-être par là de ne pas y croire tout à fait : et pourtant, ce personnage fait partie des « contes de la Mémé Holgolde », contes d’une vieille femme qui cherche à armer au mieux ses petits-enfants contre la dureté du monde.
Or, ces motifs de fantastique, d’imaginaire, de magie, qui viennent travailler constamment la strate historique de l’œuvre, et qu’il ne sera pas possible d’analyser en détail dans le cadre de cet article, ne sont pas eux-mêmes sans rapport avec la littérature russe. Comme le note Georges Nivat, la Russie pré-révolutionnaire ne pouvait fournir de modèles de fantastique social et de science-fiction, mais la Russie post-révolutionnaire , « devenue le pays le plus fantastique de l’Europe moderne », reflétera cette période dans le fantastique littéraire : il cite Alexis Tolstoï, Aelita et Hyperboloïde, Ilya Ehrenbourg, Julio Jurenito et Le trust D.E., Zamiatine avec Nous autres.[33] Volodine connaît bien ces auteurs et bien d’autres, sans qu’on puisse pour autant parler d’influences, plutôt d’une sorte de communauté de référents. Dans ce domaine encore, la recherche en est à ses débuts, mais on peut déjà signaler quelques pistes[34]. Annie Epelboin, traductrice de Platonov, rapproche les deux auteurs :
Volodine a lu Platonov, mais on serait tenté de dire que Platonov a lu Volodine. Ils sont tous deux, d’un bout du siècle à l’autre, les grands témoins de « l’obscène catastrophe que représente l’échec du projet révolutionnaire au XXe siècle ». Leurs œuvres s’éclairent mutuellement, dans la mesure où elles interpellent toutes deux les images les plus refoulées, les plus insupportables, de l’inconscient collectif : celles qui mettent à nu la double charge – émancipatrice et autodestructrice – de la pulsion d’utopie. L’univers des gueux qui survivent au bord de l’humain se prolonge d’errance en déréliction, d’une écriture à l’autre. Il est celui d’un même et obscur ressassement qui dresse le constat d’une double faillite irrémédiable : l’impossibilité de faire advenir la communauté égalitariste autrement que dans le rêve d’une régression pré-natale et, désastre dans le désastre, « la mort de l’homme parlant ». Pourtant, par leur choix d’une écriture résolument a-normale, les deux écrivains ouvrent le champ d’une résistance résiduelle, qui, en un certain sens, les soude l’un à l’autre ainsi qu’à leurs lecteurs.[35]
Les thèses de Thierry Saint-Arnoult[36] et de Frédérik Detue[37] soulignent les apparentements de Volodine avec certains de ces auteurs. Valéry Kislov, dans l’article déjà cité, pose la question de « la parenté stylistique qui existerait entre les narrateurs post-exotiques et certains prosateurs russes des années 20-40, notamment le recours aux déplacements lexiques et transgressions syntaxiques, ou l’élaboration du langage mutilé et maladroit d’une suggestion richissime[38]. »
Je citerai enfin le très suggestif article d’Ekaterina Dmitrieva, « Les crocodiles dans la Néva[39] » qui inscrit le roman Un navire de nulle part dans le contexte du « texte pétersbourgeois », en notant « D’autant plus intéressants sont les cas où un écrivain qui n’est pas russe se confronte à cette tradition dite nationale[40]. » Avant de présenter son analyse, il est nécessaire de dire quelques mots de ce roman qui donnera de l’œuvre une idée assez différente de ce que nous avons évoqué jusqu’ici.
Le début du roman ressemble à une sorte de conte, dont le personnage principal est une tortue, douée d’ailleurs de pensée et de parole, qui se fraie un chemin au travers d’une végétation tropicale, palmiers, manguiers, cocotiers, s’approche des ruines d’une ville envahie par cette végétation exotique, et aperçoit « l’éclat fané des dorures du couvent Smolny[41] ». Plus loin, on voit « l’ancienne Néva transformée en marécage à crocodiles » (N 11), les fougères de la Fontanka (N 14), on navigue en pirogue sur la perspective Nevski… Pour le lecteur russe, l’identification se fait sans doute dès le premier toponyme : le roman se situe à Saint-Petersbourg, plus exactement à Petrograd (N 18), nom que la ville a porté entre 1914 et 1924, mais cette identification est aussitôt perturbée par le cadre tropical d’où surgissent les coupoles du couvent. Pour le lecteur français, s’il n’est pas familiarisé avec l’histoire ou la littérature russe, l’identification n’aura pas lieu, pas plus l’effet de scandale procuré par ce décalage. Mais peu après, il sera tout aussi perturbé que le lecteur russe, en apprenant, sur la place de la Dictature-du-Prolétariat, que « la ville ultime avait totalement disparu sous les bambous. »
Cette métamorphose de la ville vient de « la malédiction proférée au temps de Robur, quand les mages sur le point d’être fusillés aux carrefours s’étaient donné le mot pour laisser derrière eux […] l’enfer tropical sans clairières, où désormais allait balbutier le monde. » (N30) Les sorciers oppositionnels massacrés ont pourtant gagné la partie : tout est désorganisé, partout règnent pénurie, déglingue, déréliction. La Tchéka, corrompue et décadente, maintient tant bien que mal une fiction de pouvoir, à coups d’affiches triomphalistes, « l’avenir radieux comme réponse à tout » (N 43) dans une dénégation absolue de la réalité. La tortue, animal lent, conserve, aux dires de l’inspecteur Kokoï, un des rares tchékistes honnêtes : « mémoire solide, conscience de classe bloquée sur la bonne préhistoire. Rien à redire… » (N 12) mais il rectifie peu après : «Quoique… Rien à redire ! La conscience ossifiée ! » (N 12) La tortue représente la fidélité, peut-être bornée, à l’idéal du siècle défunt : elle contemple une affiche révolutionnaire (« Camarades ! Tous ! Pour la défense de Petrograd ! ») elle n’est pas capable de la lire, mais comprend les images (« Sur le papier criaient des visages de marins, d’ouvriers et de soldats rouges ») et elle en conclut que, même si la selve a envahi la planète entière, il reste des combattants, que « l’idéologie des eunectes » (N 23) n’a pas totalement triomphé. Qui sont ces eunectes, quelque secte réactionnaire ? Un recours au dictionnaire nous apprend que ce sont des anacondas, ce qui ne saurait nous surprendre dans le contexte exotique du roman.
Puis la tortue poursuit sa déambulation-enquête : elle veut revoir l’île Vassilievski, district rasé pour dissidence « au moyen d’une bombe copiée sur les anciens modèles impérialistes. » (N 45) Un caméléon serviable la met en garde contre les dangers de l’expédition, et comme elle veut malgré tout s’y rendre, il ironise : « Et pendant la guerre civile, ma petite dame, quand on vous disait que Koltchak tenait un village, vous y alliez, malgré tout ? Histoire de vérifier la couleur des fusils des gardes blancs ? » (N 46) C’est de la part de l’auteur une façon indirecte d’informer le lecteur qui connaît moins de « détails historiques » que le caméléon : s’il ne sait pas qui est Koltchak, le terme « gardes blancs » constitue un indice qui l’éclaire. Pendant cet épisode, se produit une sorte de paradoxe temporel, qui nous rappelle que nous sommes dans un univers de science-fiction, ou plutôt de « magie-fiction » comme le dit Volodine : Kokoï entend la Marche de Boudienny et reprend au refrain, tout en attaquant les troupes de Koltchak (N 65) : on est revenu « cent vingt ans auparavant », à l’époque où la tortue a quitté Petrograd, c’est-à-dire au déclenchement de l’insurrection. Mais le retour au présent, ou au « réel » – un réel très relatif, perturbé par les rêves ou les délires des personnages et les perpétuels changements de niveaux narratifs – ramène le lecteur à une sorte d’inquiétude généralisée : « Les sortilèges de la tropicalité ont introduit l’irrationnel jusque dans notre mémoire collective. Il ne reste rien du passé, sinon des hallucinations. […] Si j’étais historien, je douterais de beaucoup de choses, y compris de l’existence de personnages apparemment aussi intouchables que Jane Austen. » (N 130) On peut se demander ce que vient faire ici le nom de la romancière anglaise, mais on soupçonne que ce nom est mis pour un autre, car plus loin, on voit « la statue de Jane Austen haranguant les foules insurgées » (N 172) et enfin lui est attribuée une citation de Lénine (N 179).
On pourrait bien sûr proposer une sorte de traduction allégorique de cette fable, en imaginant que « Robur » est Staline, que les « sorciers » sont les dissidents ou les communistes oppositionnels, que « Wassko » est un composé de Brejnev et d’Andropov…La plupart des romans de Volodine, au demeurant, peuvent en un premier temps inviter à de telles transpositions, étant donné les liens qu’ils entretiennent avec l’histoire contemporaine. Mais ce serait les réduire à une plate unidimensionnalité[42]. Au contraire, l’article d’Ekaterina Dmitrieva déplie toutes les facettes chatoyantes de l’œuvre. Pour le résumer rapidement, elle analyse d’abord le choix de la dénomination « Petrograd » : « En choisissant le toponyme de Petrograd pour son roman, Volodine se montre donc particulièrement attentif à la tradition russe du jeu avec les noms différents de la ville. […] ville révolutionnaire mais pas pour autant définitivement soviétique, où la révolution s’est faite et où, dirait-on, elle est toujours en train de se faire, de sorte qu’elle demeure la ville de tous les possibles[43]. » Elle souligne également le caractère « exotique » de l’onomastique, puisque la plupart des noms des personnages ne sont pas russes, mais arabes, persans, arméniens… Rappelons à ce propos que, dès ses premières œuvres, Volodine a toujours cherché à donner une composante « internationale » aux noms de ses personnages, choisissant systématiquement le prénom et le patronyme dans des aires géographiques différentes : Jean Vlassenko, Roman Nachtigall, Irina Kobayashi, Petra Kim, Julio Sternhagen…[44]
Tout en rappelant les traits qui rapprochent le roman de l’histoire, y compris dans sa dimension anticipatrice (« On a pu dire d’Un navire de nulle part qu’il anticipait, dès 1986, la chute de l’Union soviétique »), Dmitrieva insiste sur son caractère fantastique : « Comme dans la littérature russe du début du XXe siècle, où les rêves sont propices à la mutation et à la transformation des personnages, l’espace petrogradien est toujours susceptible de recéler “le mystère d’un lieu de passage magique” entraînant “[le] passage d’une personnalité à l’autre, [le] glissement d’un déguisement à un autre”. » Enfin, dans une variation sur les différentes figures de crocodile qui peuvent passer dans la littérature russe, crocodile sorcier ou crocodile Léviathan, crocodile oppositionnel ou crocodile proche des cercles du pouvoir, Dmitrieva, en exergue à son article, juxtapose avec humour une citation du poème de Kornei Tchoukoski Crocodile (1917) et la critique fort peu compréhensive qu’en fit Kroupskaia, affirmant que le poème a certes un sens politique, mais « si soigneusement masqué, qu’il est fort difficile de le deviner. » On serait tenté d’y voir un avertissement pour le lecteur volodinien, toujours menacé de glisser du statut de « sympathisant » au statut d’ « ennemi » quand le guette la lecture « policière… [45]»
Les désastres historiques du siècle passé sont sans doute ce qui peut, pour le lecteur russe – mais non pour lui seul[46] – faire obstacle à la lecture de Volodine. C’est en ce sens que l’on doit entendre la mise en garde de Valéry Kislov, qui pourtant défend l’œuvre avec autant d’habileté que de finesse :
Le dernier terme [il s’agit du mot « bolchevisme »] nous semble être le plus perfide et le plus déstabilisant ; nous aurions du mal à lui attribuer une connotation romantique même dans une œuvre romanesque. […] Pour nous autres, experts en expériences désastreuses, n’importe quel bolchévisme – qu’il s’agisse de sa variante léniniste, trotskiste ou staliniste, ou des ses versions 1903, 1905, 1912, 1917, 1924, 1937… 1952 – évoquerait le centralisme bureaucratique et autoritaire, le terrorisme et le banditisme expropriateur […] le terme s’est sclérosé linguistiquement pour devenir, consciemment ou non, synonyme de mensonge et de malheur. […] Nous craignons que le lecteur russe le plus résigné et le plus sympathisant ne soit pas assez rompu en art du brouillage des contraires pour accepter cette convention, même si elle est purement littéraire.
Il ne s’agit certes pas d’éluder cette objection, que l’on peut d’ailleurs entendre, avec des modalités différentes, de la part certains lecteurs français, lassés des discours « politiques » ou « idéologiques ». Mais ce serait une erreur d’en rester là. La richesse de l’univers volodinien, la variété de ses thèmes, l’originalité de son écriture, tous éléments dont nous n’avons pu donner ici qu’une très faible idée, mais qui commencent à être explorés par des chercheurs très différents, dans des pays différents, et en particulier l’entreprise des traductions en russe, méritent que de nouveaux lecteurs se lancent dans l’aventure, avec autant de témérité, de ruse et de patience que la tortue d’Un navire de nulle part.
Anne Roche
Université de Provence (Aix-Marseille)
ANNEXE
Les ouvrages de Volodine sont traduits en anglais, allemand, espagnol, italien, tchèque, slovène, japonais, chinois, russe. Ci-dessous, liste des traductions en russe (communiquée par l’auteur).
- I. Sous la signature Antoine Volodine :
- Traductions publiées :
- Des anges mineurs
- Malyie angely, traduction en russe par Ekaterina Dmitrieva, 2008, OGI, Moscou
- Dondog
- Dondog, traduit en russe par Viktor Lapitski, 2010, Amphora, Saint-Petersbourg
- Traductions en cours :
- Bardo or not Bardo, traduit en russe par Valery Kislov, Amphora, Saint-Petersbourg
- Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, traduit en russe par Viktor Lapitski, en un volume avec Avec les moines-soldats (Lutz Bassmann, Verdier) , Amphora, Saint-Petersbourg
- Ecrivains, traduction en russe couplée avec Vue sur l’ossuaire, traduit en russe par Viktor Lapitski,Amphora
- II. Sous la signature Lutz Bassmann :
- Traductions en cours :
- Avec les moines-soldats, en un volume avec Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, Amphora, Saint-Petersbourg
- Les aigles puent, traduction en russe par Valery Kislov, revue « Inostrannaïa Literatura », à paraître en 2012.
[1] Conférence prononcée le 14 décembre 2001 lors des rencontres littéraires franco-chinoises à la Bibliothèque Nationale de France, texte disponible sur le site chaoid.com. http://www.chaoid.com/pdf/chaoid_6.zip. ]Consulté le 1er décembre 2011.
[2] Sous la signature d’Elli Kronauer :
- Ilia Mouromietz et le rossignol brigand, L’École des Loisirs, Médium, 1999 ;
- Aliocha Popovitch et la rivière Saphrate, L’École des Loisirs, Médium, 2000 ;
- Soukmane fils de Soukmane et les fleurs écarlates, L’École des Loisirs, Médium, 2000 ;
- Sadko et le tsar de toutes les mers océanes, L’École des Loisirs, Médium, 2000 ;
- Mikhaïlo Potyk et Mariya la très-blanche mouette, L’École des Loisirs, Médium, 2001.
[3] Nadia BUNTMAN, « La multiplication des plans narratifs », in Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons avec Antoine Volodine, Frédérik Detue et Pierre Ouellet (dir.), Montréal, VLB éditeur, « Le soi et l’autre », 2008, p. 273.
[4] « Écrire en français… » , op.cit. Notons la référence à Pouchkine, à côté du livre sacré tibétain et du texte chinois.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Entretien entre Jean-Didier WAGNEUR et Antoine VOLODINE : http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-bassmann-5.html
[8] Valéry KISLOV, dans son étude « Traduire du post-exotique », donne de précieuses indications sur la fabrication de certains noms propres, dérivés de noms historiques et/ou de radicaux linguistiques russes ( cf. Valéry KISLOV, « Traduire du post-exotique », communication à la décade de Cerisy consacrée à Volodine, août 2010, Actes à paraître.)De même Dominique SOULÈS, dans un chapitre de sa thèse en préparation, décrit quelques « empreintes russes » notamment au niveau des métaphores. D’après son étude, Volodine conserve en général la syntaxe du français et la « truffe » d’un lexique inspiré du russe.
[9] Il y aurait également toute une étude à faire sur la géographie, les toponymes, les paysages…
[10] Antoine VOLODINE, Bardo or not Bardo, Paris, Éditions du Seuil, 2004.
[11] Ibid., p.12.
[12] Ibid., p.15.
[13] Valéry KISLOV, « Traduire du post-exotique », op.cit.
[14] Antoine VOLODINE, Des anges mineurs, Paris, Éditions du Seuil
[15] Antoine VOLODINE, Un navire de nulle part, Paris, Éditions Denoël, collection « Présence du futur », 1986. Cet ouvrage, ainsi que les trois autres romans de « science-fiction » parus dans la même collection, Biographie comparée de Jorian Murgrave, Rituel du mépris, Des enfers fabuleux, a été réédité en un seul volume aux éditions Denoël, dans la collection « Des heures durant », en 2003.
[16] Antoine VOLODINE, Le nom des singes, Paris, Éditions de Minuit, 1994.
[17] Antoine VOLODINE, Vue sur l’ossuaire, Paris, Gallimard, 1998. Maria Samarkande et Jean Vlassenko étaient amants, et militaient ensemble dans les services secrets ; ils se retrouvent alors que Maria est emprisonnée pour trahison et que Jean fait partie de ses bourreaux. D’après Valéry Kislov, le nom de « Vlassenko » serait dérivé du nom historique de Vlassov (1901-1946), du nom de ce général soviétique qui est passé à l’ennemi et a combattu dans les rangs de la Wehrmacht.
[18] Antoine VOLODINE, Songes de Mevlido, Paris, Éditions du Seuil, 2007.
[19] Manuela DRAEGER, Onze rêves de suie, Paris, Éditions de l’Olivier, 2010.
[20] Antoine VOLODINE, « Demain aura été un beau dimanche », in Écrivains, Paris, Éditions du Seuil, 2010.
[21] Manuela DRAEGER, Onze rêves de suie, op.cit., p.11.
[22] Antoine VOLODINE, Écrivains, op.cit., p.161.
[23] Courriel personnel du 22 juin 2011.
[24] Valéry Kislov fait remarquer que ce mot est forgé à partir de la racine russe gloukh-/glouch– (gloukhoï veut dire « sourd ») ce qui explique sa « surdité » à la situation.
[25] Antoine VOLODINE, Des enfers fabuleux, Paris, Denoël, collection « Présence du futur », 1988, p.60.
[26] Antoine VOLODINE, Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, Paris, Gallimard, 1998. Dans ce roman, les noms allemands de certains protagonistes et l’isolement carcéral auquel ils sont soumis peuvent faire penser au sort des prisonniers politiques de l’extrême-gauche allemande dans les années 1970, également évoquée dans Lisbonne dernière marge.
[27] Antoine VOLODINE, Lisbonne, dernière marge, Paris, Éditions de Minuit, 1990. Dans ce roman, une « terroriste » allemande recherchée par la police écrit un roman fantastique dont les personnages sont persécutés pour avoir fait des recherches sur les contes pour enfants. Curieux motif de persécution ! mais qui touche au secret sur lequel est fondé le pouvoir qui règne dans la cité…
[28] Antoine VOLODINE, Dondog, Paris, Éditions du Seuil, 2002, p.54.
[29] Manuela DRAEGER, Onze rêves de suie, op.cit., p.143. Ce qui rappelle fâcheusement les « repérages au faciès » qui ont fleuri notamment en France dans les années trente et sous Vichy.
[30] Ibid., p.149.
[31] Antoine VOLODINE, Dondog , op.cit., p.209.
[32] Manuela DRAEGER, Onze rêves de suie, op.cit., p.134.
[33] Evguéni ZAMIATINE, Le métier littéraire. Portraits, études et manifestes, suivi de Cours sur la technique de la prose littéraire, Traduit du russe par Françoise Monat, Préface de Georges Nivat, Postface de Léonid Heller, Lausanne, L’Age d’homme, 1990.
[34] Dominique SOULÈS en propose une synthèse dans sa recension de Défense et illustration… (op.cit.) : « Quelques leçons supplémentaires de post-exotisme », Acta Fabula, Ouvrages collectifs, URL : http://www.fabula.org/revue/document4580.php.
[35] Annie EPELBOIN, « Platonov et Volodine ou la communauté impossible », in Défense et illustration du post-exotisme en vingt leçons avec Antoine Volodine, op.cit., pp.213-231.
[36] Thierry SAINT-ARNOULT, « La transe et l’échappée. Antoine Volodine ou l’écriture du désastre », Aix-en-Provence, juillet 2007. Saint-Arnoult souligne notamment l’importance du thème chamanique dans l’œuvre, et de l’onirisme, tout en maintenant une analyse historique et politique précise.
[37] Frédérik DETUE, « En dissidence du romantisme, la tradition post-exotique : une histoire de l’idée de littérature aux XXe et XXIe siècles » (Paris VIII, novembre 2011)
[38] Valéry KISLOV, « Traduire du post-exotisme », art.cit. Kislov déclare qu’il n’en traitera pas, mais c’est une suggestion à suivre par d’autres – ou par lui-même plus tard.
[39] Ekaterina DMITRIEVA, « Les crocodiles dans la Néva », Défense et illustration…, op.cit., pp. 233-259.
[40] Ekaterina DMITRIEVA, « Les crocodiles dans la Néva », art.cit.
[41] Antoine VOLODINE, Un navire de nulle part, op.cit., p. 10. Les références seront désormais données dans le corps du texte, sous la lettre N.
[42] Cf. Anne Roche, « Clarity of secrets », Substance, University of Wisconsin, issue 101, vol.32 n° 2, 2003.
[43] Ekaterina DMITRIEVA, « Les crocodiles dans la Néva », art.cit. , pp. 240-241.
[44] Par exemple dans Alto solo, roman dont on pourrait penser qu’il se passe pour l’essentiel dans l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste, l’onomastique est plurielle : noms arméniens, polonais, russes, géorgiens, tchèques… Seuls manquent les noms « français ».
[45] Cette terminologie provient de Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, op.cit.
[46] Des étudiants m’ont parfois reproché de mettre au programme des livres « trop tristes » !